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Société : proposition de résolution sur l’attachement au respect des principes de laïcité et à la liberté religieuse

M. le président. La parole est à M. François Asensi.
M. François Asensi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd’hui comme hier, les députés communistes et républicains demeurent profondément attachés au principe de laïcité, fruit des Lumières et de la séparation du spirituel et du politique. Je rappelle d’ailleurs que le principe de laïcité de notre république est entré dans la Constitution, en 1946, à l’initiative des parlementaires communistes.
Précisément en raison de cet attachement, nous refusons l’instrumentalisation de ce beau principe par un parti politique, fût-il majoritaire.
Après des décennies d’affrontements et d’ingérence de l’église dans les affaires de l’État, la loi de 1905 apaisa la France en garantissant les libertés individuelles et la neutralité de l’État. Elle rendit possible la cohésion de notre société, quelles que furent les convictions ou la culture de ses citoyens.
Notre composante demeure attachée à cet esprit d’apaisement, que je sais largement partagé sur ces bancs. C’est ce message qu’ont envoyé les responsables des principaux cultes en s’opposant à ce débat. L’immense majorité des croyants aspire à vivre paisiblement sa foi. Les musulmans, aussi bien que les catholiques et tant d’autres cultes, respectent les lois de la République et se retrouvent dans le principe de laïcité. Les surenchères de quelques extrémistes, que nous condamnons avec la plus grande fermeté, ne peuvent le masquer.
À quoi bon raviver les ferments de la division ?
Un an après les polémiques sur le voile intégral, la majorité lance un nouvel écran de fumée. Mais cette entreprise de diversion ne fera pas oublier son échec sur le terrain économique et social. À l’approche des échéances électorales, la droite courtise les électeurs du Front national, quitte à attiser les peurs et à jouer sur les sentiments xénophobes.
Une nouvelle fois, l’islam se trouve sur le banc des accusés : des pratiques minoritaires et condamnables sont surexploitées ; la présence importante de musulmans en France est jugée « problématique ». Un lien délétère est également établi par certains responsables de la majorité entre l’immigration et les atteintes à la laïcité. Comment accepter cette stigmatisation injuste ?
Les citoyens français et musulmans refusent d’être mis à l’écart de la communauté nationale.
M. Jacques Myard. Il n’y a pas de citoyens musulmans ! Il n’y a que des citoyens français !
M. François Asensi. Nous ne partageons pas la vision de la société française et de la laïcité que reflète cette résolution. Notre nation n’est pas la nation sclérosée de Latran, qui se reconnaît comme origine immuable la chrétienté et l’Ancien régime. Pas plus que la nation dissoute dans l’ultralibéralisme antidémocratique de l’Union européenne. La France est définitivement multiculturelle, multiconfessionnelle et multiethnique. Et je m’en félicite.
Pour nous, la nation est une histoire, mais bien plus encore un avenir commun. Elle est une volonté de participer à un projet progressiste et émancipateur. Tous les citoyens y ont leur place, quelles que soient leurs convictions ou leurs origines.
La laïcité définie en 1905 nous offre le cadre idoine pour faire société ensemble ; pour œuvrer à l’émancipation des hommes, et encore plus des femmes, de toutes les formes d’oppressions : religieuses, économiques, politiques. « Laïcité et progrès social sont deux formules indivisibles. Nous lutterons pour les deux. ». Ainsi s’exprimait Jean Jaurès en 1912.
Cette résolution s’en tient à des déclarations générales sur des principes essentiels. Mettre en place une pédagogie de la laïcité dans l’éducation nationale est, certes, un objectif indispensable. Mais comment l’atteindre quand les crédits et les effectifs sont en chute libre ?
Sur d’autres points, elle introduit des dispositions dangereuses.
La codification de la laïcité ouvrirait une brèche intolérable dans la loi de 1905. Mon avis est celui du maire d’une ville de Seine-Saint-Denis multiconfessionnelle : la loi de séparation de l’église et de l’État a apporté la preuve de sa souplesse. Nul besoin de la réviser pour garantir les libertés et l’ordre public. Les musulmans ne peuvent exercer dignement leur foi par manque de lieux de cultes. La question est sérieuse, mais le régime actuel permet parfaitement de soutenir de nouvelles constructions sans que les pouvoirs publics participent à leur financement.
Plus gravement, la réduction de la laïcité à la liberté religieuse, substrat de votre résolution, est un détournement inacceptable. Que deviennent les non-croyants ? Nous préférons de loin le principe de liberté de conscience.
Enfin, je m’interroge sur le concept de laïcité équilibrée, que la France devrait défendre à l’international. N’est-ce pas le retour de la laïcité positive ?
Je n’ai jamais transigé sur les valeurs fondamentales de la République, notamment sur la laïcité. Pour cette raison, j’avais approuvé la loi sur l’interdiction des signes religieux à l’école, quand certains de mes collègues faisaient un choix différent et tout à fait respectable.
Le texte qui nous est aujourd’hui proposé est d’un tout autre ordre. Il ne constitue pas un renforcement de la laïcité, mais une dangereuse instrumentalisation.
Nous voterons contre une résolution qui affaiblit la laïcité et divise les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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François
Asensi

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