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Société : allocation d’accompagnement d’une personne en fin de vie

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, mon ami Michel Vaxès est, ce matin, dans l’impossibilité de prendre part à ce débat. Vous savez tout l’attachement qu’il porte à cette question, ce qui l’a conduit à être l’un des coauteurs de la proposition de loi.
Comme nous l’avions fait en première lecture il y a déjà un an, les sénateurs ont adopté à l’unanimité la proposition de loi visant à créer une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie. Bien trop tardivement, nous en rediscutons aujourd’hui, parce qu’ils y ont apporté quelques modifications que nous regardons comme autant d’améliorations.
Cette allocation a été en effet étendue aux accompagnants ayant réduit leur temps de travail à un temps partiel. En bénéficieront également les « personnes de confiance » alors qu’au départ elle n’était prévue que pour les seuls ascendants, descendants, frères, sœurs ou personnes partageant le même domicile que la personne accompagnée. Pour un même patient, plusieurs bénéficiaires pourront y prétendre. Ainsi, plusieurs membres d’une même famille pourront se relayer au chevet du mourant.
Nous sont enfin proposées quelques dispositions visant à sécuriser la protection sociale des accompagnants, durant le congé et lors de la reprise de leur activité professionnelle.
Mais si intéressantes soient-elles, ces propositions, qui ne répondent aucunement à l’exigence portée par une majorité de nos concitoyens en faveur du droit de mourir dans la dignité, ce qui est un autre débat, ne suffisent évidemment pas non plus à dissiper toutes les insuffisances et vraies limites du texte,
Sont exclues du bénéfice de l’allocation les personnes accompagnant un malade finissant sa vie à l’hôpital. Sachant que 75 % des personnes décèdent aujourd’hui à l’hôpital, nous ne pouvons que continuer à regretter la non prise en compte de certaines situations, dans lesquelles, malgré l’ardente volonté des familles et le souhait du mourant, le retour au domicile n’est malheureusement pas envisageable, et ce pour au moins trois types de raisons.
La première est liée à l’état du patient, lorsque, pour des raisons médicales et techniques, il exige impérativement le maintien dans un environnement hospitalier doté d’un plateau technique approprié. La seconde tient tout simplement au fait que pour beaucoup de familles d’origine modeste l’exiguïté du logement ne permet pas l’accueil de la personne en fin de vie. La troisième, enfin, tient à l’insuffisance notoire, sur trop de nos territoires, d’équipes mobiles de soins palliatifs.
Permettez-moi de rappeler ici ces propos du professeur Aubry, qui soulignait qu’ « il serait scandaleux de prétendre développer les soins palliatifs ou l’accompagnement des personnes en fin de vie à domicile sans soutenir une véritable politique d’accompagnement des aidants ».
Nous touchons là un point essentiel : la faiblesse des moyens financiers que le Gouvernement est prêt à consentir aux problématiques de la fin de vie corsète la proposition de loi dont nous débattons.
Le carcan de l’article 40 ne nous permet même pas de vous proposer les amendements que nous jugions pourtant nécessaires pour remédier à ce que nous considérons comme de profondes injustices.
Pour les familles aux revenus très modestes, nous aurions ainsi souhaité une prise en charge intégrale du salaire que l’interruption d’activité aura fait perdre, la dotation de 47 euros par jour ne suffisant pas à faciliter l’accès au congé d’accompagnement. Nous aurions souhaité également que l’allocation ne s’interrompe pas brutalement au jour du décès. Mais ce que nous ne pouvons faire, le Gouvernement le peut. Il suffirait pour cela que vous décidiez, madame la secrétaire d’État, d’améliorer sensiblement les crédits couvrant les dépenses qu’exigerait l’adoption de mesures élargissant le bénéfice et le niveau de cette allocation aux situations que je viens d’évoquer.
Le rapport d’information de notre collègue Jean Leonetti, Solidaires devant la fin de vie, exprime parfaitement une volonté partagée sur tous les bancs de cette assemblée, mais nous savons aussi que la force de cette solidarité ne se mesurera qu’à l’aune des moyens mobilisés pour satisfaire au devoir humain d’accompagnement des mourants, c’est-à-dire à l’organisation et à la qualité de l’offre de soins palliatifs sur l’ensemble du territoire.
Au-delà de la nécessaire diffusion à l’échelle de la société tout entière de la culture palliative, il y a urgence à organiser de façon performante sur tout le territoire les soins palliatifs et la formation à des compétences avérées dans ce domaine de toutes les équipes soignantes. Chaque malade en fin de vie est en droit de l’exiger, mais trop peu nombreux sont ceux qui, aujourd’hui, ont la possibilité d’y accéder.
Reconnaissons, en effet, que cinq ans après l’adoption de la loi de 2005, il reste énormément à faire. Dans son rapport intitulé La France palliative, Marie de Hennezel, soulignait que deux tiers des demandes d’admission au sein d’une unité de soins palliatifs font l’objet d’un refus. À ce jour, toutes les régions sont théoriquement dotées d’une unité de soins palliatifs, mais toutes ne sont pas ouvertes et les besoins sont bien supérieurs à leur offre potentielle. La plupart des agences régionales de l’hospitalisation – demain les agences régionales de santé – sont d’avis qu’il faudrait au moins une unité par département, soit au minimum quatre-vingt-quinze contre vingt-deux aujourd’hui pour la seule France métropolitaine.
Nous avons bien conscience que cette proposition de loi ne suffira pas à satisfaire toutes les exigences du devoir d’accompagnement d’une personne en fin de vie mais, pour une part, elle y contribuera. Pour cette part-là, si modeste soit-elle, les députés communistes, verts et parti de gauche la soutiendront. (Applaudissements.)
 

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Roland
Muzeau

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