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Discussions générales

Sécurité civile : remboursement des services départementaux d’incendie et de secours par l’incendiaire

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui part du constat suivant : chaque été est marqué, dans les régions du sud de la France, par de nombreux feux de forêt particulièrement dévastateurs, lesquels exigent des services d’incendie et de secours qu’ils mobilisent des moyens humains et matériels considérables. Nous savons ce que représentent, en sacrifices humains et en coûts financiers, ces interventions ; Éric Diard vient de nous en rapporter un exemple concret, avec toute l’émotion du témoin direct.
La proposition de loi pointe le fait que, si les incendies de forêt peuvent découler d’actes de malveillance, beaucoup sont aussi commis involontairement, d’où l’idée qu’il serait pertinent d’exclure du bénéfice de la solidarité nationale les incendiaires ayant commis volontairement et involontairement un incendie par manquement à une obligation de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement. C’est la raison pour laquelle ce texte ouvre la possibilité aux personnes morales de droit public – services départementaux d’incendie et de secours, communes, départements, État – d’obtenir le remboursement des frais de secours qu’elles ont engagés pour lutter contre les incendies involontaires – et non plus seulement volontaires – commis en espace forestier.
Mais, arguant de la lutte contre les incendies de forêt, et en appelant aux notions de justice et de responsabilisation, cette proposition de loi entend en réalité répondre au problème que constitue la hausse de la contribution des départements au service départemental d’incendie et de secours. Si le problème est réel, la solution n’a pas notre soutien, même s’il s’agit d’un signal fort.
M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Décidément !
M. André Chassaigne. Les SDIS, établissements publics administratifs dotés de la personnalité morale et de l’autonomie financière, tirent principalement leurs recettes des départements, des communes et des établissements publics de coopération intercommunale. La loi du 30 décembre 2008 a d’ailleurs pérennisé définitivement la contribution des communes et des EPCI, tout en maintenant le plafonnement de leur montant total. Aussi les départements doivent-ils prendre à leur charge toute augmentation de budget des SDIS supérieure à l’indice des prix à la consommation. En 2010, cet indice ayant été négatif sur certaines périodes, ils se trouvent dans l’obligation de prendre à leur charge l’intégralité de l’augmentation des moyens financiers nécessaires aux SDIS.
Or, les départements connaissent de lourdes difficultés financières. Leurs moyens étant de plus en plus limités et les transferts de charges de l’État n’étant pas entièrement compensés, se pose la question du devenir du financement des SDIS, cependant que le Gouvernement n’a de cesse de vanter sa gestion vertueuse et de stigmatiser les collectivités territoriales, les accusant de dépenser trop pour l’accomplissement de la mission de protection des citoyens. Les SDIS sont l’objet de toutes les critiques, l’évolution de leurs budgets de fonctionnement étant systématiquement désignée comme la source de toutes les dérives budgétaires… Mais peuvent-ils faire autrement depuis la loi de 1996 sur la départementalisation des services d’incendie et de secours et celle du 13 août 2004 modernisant la sécurité civile, et ce quand le nombre d’interventions ne cesse de croître ?
L’augmentation du budget des SDIS répond à des besoins très forts, mais les départements sont asphyxiés par le financement de missions de l’État. Il faut donc sortir du chapeau quelques remèdes…
La solution qui nous est proposée ici pour faire diminuer la contribution des départements au financement des SDIS consiste à faire payer pour leur imprudence, voire leur bêtise, les usagers du service public, et ce au mépris du principe de gratuité des services de secours.
M. Bernard Deflesselles, rapporteur. C’est déjà le cas !
M. André Chassaigne. Sous des dehors cohérents et séduisants qui peuvent la rendre populaire, cette proposition de loi ouvre la voie à toutes les dérives. En effet, elle comporte le risque réel de voir s’étendre l’action civile en remboursement à d’autres cas, notamment aux interventions de sauvetage ou aux interventions lors de manifestations locales. Elle permet également à l’État et aux collectivités de se décharger de leurs missions de service public, même si l’on peut s’interroger sur la portée financière réelle des dispositions de ce texte.
M. Bernard Deflesselles, rapporteur. Il faudrait savoir !
M. André Chassaigne. Le problème de fond est le désengagement de l’État, lequel devrait assurer ses missions de sécurité civile en rééquilibrant ses dotations aux SDIS et, comme je l’ai dit dans le cadre de la discussion de la proposition de loi sur l’engagement des pompiers volontaires, en recherchant des financements complémentaires tels que la mise à contribution des sociétés d’assurance, dont les profits sont réalisés pour partie grâce à l’action directe et à l’efficacité des services d’incendie qui limitent l’extension des sinistres et réduisent le nombre des hospitalisations ; la mise à contribution des entreprises à risques, qui obligent les SDIS à s’équiper de matériels spécifiques pour couvrir leurs activités ; celle encore des sociétés autoroutières : en effet, si le législateur a déjà prévu qu’une partie du droit de péage finance l’action des SDIS, les montants versés restent ridiculement limités par rapport au chiffre d’affaires réalisé par ces sociétés. Le prélèvement doit en conséquence être obligatoire et son taux réévalué afin de contribuer pleinement à la sécurité de nos concitoyens. Ce sont là des pistes qui permettraient de trouver de l’argent, sans aller le chercher dans la poche de personnes qui auront probablement le plus grand mal à s’acquitter des amendes qui leur sont infligées.
Pour toutes les raisons que je viens de vous exposer, je ne vous surprendrai pas en vous disant que les députés de mon groupe voteront contre ce texte. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

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