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Santé : modification de la loi portant réforme de l’hôpital : motion de renvoi en commission

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
M. Jean-Marie Rolland. Où est M. Gremetz ?
Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi vise à modifier certaines dispositions de la loi Hôpital, patients, santé et territoires adoptée en juillet 2009.
Il est pour le moins surprenant que ce texte vienne en débat sans attendre le résultat des travaux du comité chargé du suivi de la réforme de la gouvernance des hôpitaux instauré par l’article 35 de la loi HSPT, dont M. Fourcade est le président et qui doit rendre ses conclusions très prochainement, avant le 21 juillet.
Il est tout aussi surprenant de constater que ce texte très limité, censé s’intéresser aux soins de premier recours et au développement des structures du secteur médico-social, ne contient en réalité aucune innovation marquante et surtout aucune disposition de nature à améliorer l’accès aux soins, dont nous savons tous à quel point il s’est dégradé et se dégrade chaque jour davantage.
Face à l’accentuation des déserts médicaux par exemple, non seulement vous ne proposez rien, mais vous revenez sur certaines mesures, pourtant déjà bien timides, dans ce domaine.
Au point que si l’on ajoute les considérations de calendrier et le contenu de ce texte, nous sommes fondés à nous demander s’il n’a pas essentiellement pour objet de délivrer un message électoraliste aux médecins pour tenter de leur remonter le moral avant l’échéance de 2012.
Dans ce contexte, on peut comprendre que le problème des dépassements d’honoraires ne soit pas abordé dans cette proposition de loi et que notre amendement visant à les limiter ait été repoussé par votre majorité en commission.
En fait, il s’agit moins de s’occuper de la santé de nos concitoyens que de celle de l’UMP, et particulièrement du président candidat à la prochaine présidentielle.
M. Jean Mallot. C’est clair !
Mme Jacqueline Fraysse. S’il est vrai qu’il n’est pas en très bonne forme, ce n’est pas suffisant à nos yeux pour en perdre le sens de l’intérêt général.
Pourtant il serait nécessaire de prendre des mesures importantes et utiles. Je pense par exemple aux centres de santé, notamment municipaux, mais également mutualistes et associatifs, qui facilitent l’accès aux soins de premier recours en regroupant dans des structures de proximité des activités médicales, paramédicales, sociales et de soins infirmiers, en pratiquant les tarifs conventionnés et le tiers payant, mais qui sont asphyxiés financièrement. Rien dans ce texte ne les concerne.
La création des SISA, les sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires, censées favoriser l’implantation de praticiens dans les zones sous-dotées ne nous convainc pas. Pourquoi ? Parce que cette société civile de moyens, qui améliore les revenus des médecins en leur permettant d’accéder aux nouveaux modes de rémunération financés par l’assurance maladie, est une véritable entreprise exigeant une gestion lourde. Or nous savons tous que la jeune génération de médecins rechigne à exercer en libéral, à supporter les contraintes de gestion économique et financière, et préfère de plus en plus le salariat pour se consacrer au cœur de la profession qu’est l’exercice de la médecine.
Personnellement, je pense que c’est plutôt positif car lorsque l’on choisit d’entreprendre des études de médecine longues et difficiles, ce n’est pas pour gérer une entreprise mais pour se consacrer aux patients.
Si la médecine libérale a eu sa pertinence et la conserve partiellement, il faut mesurer qu’avec l’évolution de la société, des connaissances, des investigations nouvelles et des plateaux techniques, ce mode d’exercice tend à être très insuffisant, voire dépassé.
C’est pourquoi nous pensons que le développement de structures publiques de proximité ou mixtes avec l’exercice privé est une réponse complémentaire indispensable à la médecine libérale et, bien évidemment, davantage encore dans les territoires sous-dotés.
Il est nécessaire et urgent d’anticiper cette évolution pour enrayer la désertification médicale de certains territoires et être en mesure de répondre aux besoins d’accès aux soins de premier recours ainsi qu’à la permanence des soins dans tout le pays, quels que soient les secteurs géographiques.
La loi Hôpital, patients, santé et territoires se déclinait en quatre parties intitulées respectivement : modernisation des établissements de santé, accès de tous à des soins de qualité, prévention et santé publique, organisation territoriale du système de santé.
Un travail sérieux et une vraie volonté d’avancer auraient dû conduire à l’examen de chacun de ces chapitres, chiffres et réalités concrètes en main, afin de modifier tout ce qui le méritait pour améliorer la situation actuelle, qui se dégrade à vive allure. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit.
Ce que vous appliquez sous le vocable « modernisation des établissements de santé » serait mieux nommé « démantèlement des hôpitaux publics au bénéfice des établissements privés de santé ». Et ce que vous intitulez « organisation territoriale » serait mieux nommé « fermeture d’établissements publics de santé de proximité ».
Quant aux ARS, qui auraient pu être utiles dans un double souci de cohérence et d’harmonisation des réponses en fonction des besoins de santé recensés, il se confirme qu’elles ne sont, comme nous l’avions, hélas ! dénoncé à juste titre, que des instruments autoritaires de fermeture de services et de structures de soins.
D’ailleurs, notre collègue Jean-Pierre Door a été très explicite sur ce point en déclarant, lors d’une rencontre organisée par Décision Santé appelée Les Asclépiades, ainsi que l’a publié un journal médical : « Nous prenons beaucoup de retard dans les restructurations, il y a trop d’hôpitaux en France, trop de CHU ». Et il ajoute : « Le Président de la République a voulu un patron qui décide, maintenant il faut que ça fonctionne. » Ainsi sont clairement annoncés à la fois les objectifs fixés et la méthode managériale autoritaire pour les atteindre.
Le corps médical, les personnels soignants et tous les salariés des hôpitaux n’ont plus qu’à appliquer les décisions du patron, entendez le directeur de l’hôpital, qui, bien sûr, n’a pas la responsabilité de traiter les patients. Mais c’est un aspect tout à fait secondaire.
Je vous rassure, ce n’est pas un scoop car nous savons depuis longtemps que le mot « regroupement » signifie concrètement, dans la bouche d’une ARS, suppression de services ou de lits.
On peut prendre les exemples un par un, c’est le cas partout. Ainsi en est-il du fameux plan de restructuration de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris qui, au lieu de moderniser ses structures en s’appuyant sur les acquis de ses équipes, qu’il s’agisse de la chirurgie cardiaque à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil ou Foch de Suresnes, de la pédiatrie à Trousseau, véritable pôle universitaire de pointe au rayonnement international, ou tout simplement des services d’urgence Saint-Louis-Lariboisière, Beaujon-Bichat, Tenon-Saint-Antoine, la stratégie est toujours la même : réduire l’accueil public, réduire, malgré l’augmentation constante du nombre de passages dans ces services, le nombre de personnels soignants jusqu’à la rupture, comme ce fut le cas en octobre 2010 à Tenon où, n’en pouvant plus de la dégradation de leurs conditions de travail et du manque d’effectifs, cinq infirmières avaient fait valoir leur droit de retrait. Il avait donc fallu fermer le service pendant quelques jours, faute de personnel. Je rappelle que cinquante-huit postes d’infirmières seraient vacants dans cet hôpital.
Mais la vague de fermetures de services de santé et d’hôpitaux publics pilotée par l’ARS ne se limite pas à l’AP-HP. Elle sévit dans tous les départements de notre région, et quels que soient les besoins recensés.
Ainsi, au centre hospitalier intercommunal André-Grégoire de Montreuil, 30 % des lits ont été fermés par manque de personnels, quatre chefs de service sont partis et deux unités de médecine ont été condamnées, alors même que l’hôpital est, en termes d’activité, parmi les quatre premiers d’Île-de-France.
À l’hôpital de gériatrie Charles-Foix d’Ivry, plus de 250 lits vont être supprimés alors que le vieillissement de la population, dont pourtant vous ne cessez le parler, nécessiterait un accroissement de l’offre en gérontologie. C’est aussi le cas de l’hôpital Georges-Clemenceau à Champcueil.
Rien, décidément, à part les considérations d’économies financières, ne justifie ces décisions. Au contraire, l’ARS note dans son rapport 2010 sur les indicateurs de santé : « Certains indicateurs de santé placent la région Ile-de-France dans une situation préoccupante au regard des moyennes nationales. C’est le cas notamment de la mortalité infantile, de la mortalité féminine par cancers et de la prévalence des pathologies infectieuses. Surtout, l’analyse de l’état de santé de la population francilienne révèle que les atouts importants dont la région est dotée ne bénéficient pas à la population dans son ensemble et que l’état de santé des populations est marqué par de très fortes inégalités sociales et territoriales, au point de tirer la moyenne régionale sous la moyenne nationale pour certains enjeux de santé ».
En ce qui concerne la santé des enfants, les problèmes d’obésité et les problèmes bucco-dentaires y sont plus nombreux qu’ailleurs. De même, le risque de saturnisme infantile lié à l’habitat insalubre en Île-de-France représente 53 % des notifications au niveau national.
Non, rien, décidément, ne justifie les mesures que vous prenez.
Un récent rapport de l’IGAS chiffre à 11 % en 2009 et à 23 % en 2010 le nombre de patients qui ont renoncé à des soins médicaux faute de moyens ou de médecins disponibles puisque, dans certains endroits, on ne trouve plus de médecins. Ces chiffres sont bien plus élevés encore dans certains départements.
Vous savez pourtant que seuls les services publics peuvent prendre en charge certains patients. Vous savez que de nombreux praticiens refusent les patients couverts par la CMU. Au lieu de renforcer notre système de solidarité sociale, vous l’avez fragilisé en organisant le démantèlement du service public hospitalier et la privatisation de notre système de santé. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
Alors que vous êtes chargés de l’organisation de la santé, d’adapter au mieux les formes de médecine à chaque situation, depuis le dépistage et le diagnostic jusqu’aux soins, vous ne raisonnez qu’en marchands, uniquement guidés par la rentabilité financière.
Mme Valérie Boyer, rapporteure. Que de clichés !
Mme Jacqueline Fraysse. C’est ce qui explique la diminution constante du nombre de centres de PMI, si précieux pour les jeunes mères quel que soit leur milieu social, mais plus encore si elles sont en difficulté.
C’est ce qui explique l’état de la médecine scolaire, qui compte aujourd’hui, en moyenne, un médecin pour 10 000 élèves alors que son rôle est essentiel pour le dépistage et l’éducation thérapeutique, particulièrement face à l’obésité liée aux troubles de l’alimentation. Il en faudrait un pour 4 500 voire 3 000 élèves selon les professionnels concernés.
La même pénurie touche la médecine du travail. Après avoir voulu la mettre la sous la tutelle du patronat, vous assistez sans broncher à la diminution préoccupante du nombre de praticiens spécialisés. Alors que, pour plusieurs dizaines de millions de salariés, plus de la moitié des 6 500 médecins du travail ont plus de cinquante ans, alors qu’on évaluait à plus de 1 700 le nombre de médecins du travail devant partir à la retraite entre 2007 et 2012, 370 nouveaux médecins seulement ont été qualifiés durant la même période.
Mme Isabelle Vasseur. On se perd dans les chiffres !
Mme Jacqueline Fraysse. Pour l’exercice 2011-2012, il n’y aura que 47 médecins formés à cette spécialité.
Mme Isabelle Vasseur. Qui a baissé de moitié le numerus clausus entre 1981 et 1993 ?
Mme Jacqueline Fraysse. À ce rythme là, en 2030, il n’y a aura plus que 2 300 médecins du travail, soit une baisse de 60 % des effectifs par rapport à la situation actuelle. J’entends parler, sur ma droite, du numerus clausus : nous exigeons sur tous les tons depuis des années son augmentation significative. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je vous en prie, n’en rajoutez pas : nous manquons de médecins dans toutes les spécialités, et particulièrement dans certaines d’entre elles !
Mme Valérie Boyer, rapporteure. Grâce à vous !
Mme Jacqueline Fraysse. La médecine d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celle qui se pratiquait il y a des années (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…
M. Jean Mallot. Ce que dit Mme Fraysse est très juste !
M. le président. Seule Mme Fraysse a la parole !
Mme Jacqueline Fraysse. …quand le médecin isolé se promenait de maison en maison avec son stéthoscope, son tensiomètre et son ordonnancier.
M. Céleste Lett. Bla bla bla !
Mme Jacqueline Fraysse. Cette pratique de la médecine est finie. Aujourd’hui, il faut travailler collectivement, avec des spécialistes, des laboratoires, des appareils de radiologie, des IRM, des équipes qui décident.
Mme Valérie Boyer, rapporteure. C’est le collectivisme médical !
Mme Jacqueline Fraysse. Cela, vous ne l’avez pas compris, vous refusez de l’envisager et vous continuez de défendre une médecine qui n’est pas une médecine moderne.
M. Jean Mallot. Et voilà !
Mme Jacqueline Fraysse. Évidemment, pour faire face à toutes ces nouvelles techniques, à tous ces gestes extraordinaires dont nous sommes capables, il faut beaucoup plus de médecins hautement formés.
M. Céleste Lett. C’est au côté gauche de l’hémicycle qu’il faut vous adresser !
M. Arnaud Robinet. La responsabilité de la baisse du numerus clausus, ce sont vos amis qui la portent !
Mme Jacqueline Fraysse. C’est votre politique également qui explique la fermeture massive de maternités. Entre 1975 et 2008, près de 800 maternités ont été fermées.
Mme Valérie Boyer, rapporteure. Notamment pour des raisons de sécurité !
Mme Jacqueline Fraysse. J’entends bien qu’il s’agit dans certains cas de fermetures liées à la modernisation mais ces chiffres correspondent à une baisse de 60 % du nombre de maternités, alors que la population française a augmenté de 18 % dans le même temps.
M. François Pupponi. Vous avez raison !
Mme Jacqueline Fraysse. Il y a donc à l’évidence une inadéquation entre l’offre et les besoins. D’ailleurs, huit départements ne comptent plus qu’une seule maternité publique et quinze autres n’en comptent que deux. Même la très réputée maternité des Bluets, dans la région parisienne, est menacée.
Il en va de même pour les établissements de proximité. À force de restructurations, le service public de la santé n’est plus du tout présent dans certains territoires. Depuis 1997, près de 200 hôpitaux ou services de proximité ont été fermés dans le secteur public, dont 75 services de chirurgie et 56 maternités. Aujourd’hui encore, plus de 90 services hospitaliers de proximité sont menacés de fermeture.
C’est aussi cette politique, uniquement guidée par les économies de moyens, qui explique la situation des centres hospitalo-universitaires, lieux d’excellence regroupant les soins, l’enseignement et la recherche, si essentiels pour aujourd’hui et pour demain.
M. Jean Mallot. C’est vrai !
Mme Jacqueline Fraysse. Ainsi, les CHU d’Amiens, de Nantes, de Lille ou de Nancy ont perdu 500 postes ces deux dernières années. C’est sans doute, monsieur Door, pour préparer la suppression de plusieurs d’entre eux, puisque vous considérez qu’il y en a trop.
M. Jean Mallot. Où est-il, M. Door ? Tout le monde le cite ! C’est l’Arlésienne !
Mme Jacqueline Fraysse. J’ignore où l’on formera les médecins dont nous avons terriblement besoin quand le nombre de CHU aura diminué de moitié.
En 2009, 9 500 emplois ont disparu dans les hôpitaux publics, dont 5 000 de soignants, et, en dix ans, plus de 100 000 lits ont été supprimés dans les hôpitaux publics sur l’ensemble du territoire. Ces établissements fonctionnaient pourtant à plein régime et bénéficiaient de la confiance et du soutien des usagers et des professionnels, ainsi que des élus qui s’attachaient à suivre leur fonctionnement.
Ces suppressions d’emplois sont décidées alors que le volume d’activité des hôpitaux s’accroît –de 13 % en 2010 –, ce qui conduit à des situations intenables pour le personnel. Du fait de cette pénurie, 14 % du personnel soignant a déjà des amplitudes horaires de travail qui dépassent douze heures d’affilée.
Pendant ce temps, le chiffre d’affaires des établissements de santé privés est en constante augmentation car la loi Bachelot a renforcé leur place.
Mme Isabelle Vasseur. Cela vous dérange !
Mme Jacqueline Fraysse. Les grands groupes devraient largement profiter de la saignée de l’hôpital public pour gagner encore des parts de marché. Or la France détient déjà le record d’Europe pour la part du privé lucratif dans l’activité hospitalière : 34 % contre 25 % en Allemagne et en Italie. Notons qu’en Belgique et aux Pays-Bas le privé lucratif en matière de santé est même interdit.
Selon la Fédération hospitalière de France, on comptait, en 2008, 1 298 hôpitaux publics, 1 430 établissements de santé privés à but non lucratif et 1 370 cliniques privées commerciales. Pourtant, vous le savez, les établissements privés lucratifs ont pour vocation première, comme leur nom l’indique, de gagner de l’argent en exerçant leurs activités de soins.
Ce n’est évidemment pas la vocation de l’hôpital public, chargé, lui, d’accueillir tous les patients et de les prendre en charge quelles que soient leur pathologie et leur situation sociale, pendant que les cliniques se réservent le droit de ne pratiquer que les actes les plus lucratifs auprès de patients solvables de préférence.
La Fédération hospitalière de France souligne que les 50 groupes de maladies les plus lourdes et donc les moins rémunératrices, comme les transplantations d’organes ou les leucémies aiguës, sont pris en charge à 70 % par le secteur public. Quant aux 50 groupes de maladies les moins lourdes et donc les plus rentables, c’est exactement l’inverse : plus de 70 % sont prises en charge par les cliniques commerciales. C’est également le cas des interventions facilement programmables comme la chirurgie orthopédique.
C’est encore à l’hôpital public que sont pris en charge la plupart des longs séjours et des polypathologies. De plus, les hôpitaux financent les services sociaux sur leur propre budget.
On peut ainsi soutenir que vous demandez aux hôpitaux de remplir une mission de service public irréprochable avec des budgets en constante diminution,…
M. Michel Issindou. Exactement !
Mme Jacqueline Fraysse. …cependant que vous laissez le champ libre aux cliniques privées pour maximiser leurs profits (Protestations sur les bancs du groupe UMP)…
M. Jean-Marie Rolland. Oh !
M. Philippe Vigier. Ce que vous dites est un scandale !
Mme Jacqueline Fraysse. Ne vous énervez pas, gardez votre sang-froid ! (Mêmes mouvements.)
M. le président. Seule Mme Fraysse a la parole.
M. Céleste Lett. Vous dites n’importe quoi !
Mme Jacqueline Fraysse. Je ne dis pas n’importe quoi et je vais vous en donner la démonstration chiffrée.
M. Céleste Lett. Caricature !
Mme Jacqueline Fraysse. Vous laissez les cliniques privées maximiser leurs profits et ceci de plus en plus souvent avec des aides de l’État, notamment par le biais du fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés.
Ainsi le groupe Korian a réalisé en 2010 un bénéfice net de 24,7 millions d’euros…
M. Jean Mallot. Eh bien !
Mme Jacqueline Fraysse. …et Médica de plus de 23 millions d’euros. Quant à la Générale de santé, elle a distribué 69,3 millions d’euros de dividendes à ses actionnaires pour l’exercice 2010.
M. Jean Mallot. Nos cotisations paient des dividendes !
M. Jean-Marie Rolland. On dirait du Gremetz !
Mme Jacqueline Fraysse. Nous assistons à une concentration d’établissements de soins privés par quelques grands groupes, comme la Générale de santé, qui possède plus de 175 cliniques en France, et dont le seul but est évidemment la rentabilité financière.
Le groupe Vitalia, qui a acquis 46 cliniques ces trois dernières années, appartient au fonds de pensions américain Blackstone. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Il a réalisé plus de 650 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2009.
M. Arnaud Robinet. Rendez-nous Gremetz !
Mme Jacqueline Fraysse. Quant au groupe Capio, qui compte, lui, 26 établissements et qui est également détenu par des fonds américains, il a réalisé 450 millions d’euros de chiffre d’affaires durant la même année.
M. Jean Mallot. Et voilà !
M. Arnaud Robinet. Maxime, reviens !
Mme Jacqueline Fraysse. On peut avancer que nous avons assisté, ces deux dernières années, à une véritable accélération du nombre de fusions, regroupements, ventes et rachats divers dans ce qui est devenu un marché à part entière et extrêmement juteux, mais un marché qu’un nombre croissant de nos concitoyens ne peuvent s’offrir.
M. Arnaud Robinet. À vous entendre, il faudrait tout nationaliser !
Mme Jacqueline Fraysse. Telle est, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réalité.
M. Jean-Marie Rolland. Une réalité dont vous faites la caricature !
Mme Jacqueline Fraysse. Disons-le clairement, le bilan…
M. Jean Mallot. Le dépôt de bilan, plutôt !
Mme Jacqueline Fraysse. …de l’application de vos choix politiques en matière de santé est lourd, très lourd, et la loi HPST n’a fait que l’accentuer dans tous les domaines.
Mme Isabelle Vasseur. C’est faux !
M. Jean Mallot. Mme Fraysse a raison !
Mme Jacqueline Fraysse. Je vais vous expliquer ce que j’entends par là. (« Ah non ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. Jean Mallot. Ils ne comprennent rien, de toute façon !
Mme Jacqueline Fraysse. L’engorgement des services d’urgence n’a cessé de s’aggraver ; les délais de rendez-vous se sont allongés ; les dépassements d’honoraires ont augmenté ; la permanence des soins est de moins en moins assurée et la désertification médicale s’est accélérée. Ces affirmations ne sont que des constats que personne ne peut nier.
Face à cette situation, j’espère, monsieur le ministre, madame la rapporteure, que vous mesurez le caractère rétrograde et parfaitement dérisoire du texte que vous nous présentez. Il mérite donc impérativement d’être renvoyé en commission afin que tous les domaines d’application de la loi HPST que vous prétendez réformer, ou plutôt ajuster, puissent être étudiés sérieusement et modifiés en conséquence. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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Jacqueline
Fraysse

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