Interventions

Discussions générales

Questions à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement

Nous commençons par des questions du groupe GDR.
La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Comme vous le savez, madame la ministre, les organismes HLM s’inquiètent de la décision gouvernementale de hausse de la TVA sur la construction du logement social. Cette augmentation risque en effet de limiter drastiquement leurs capacités de construction et de réhabilitation. C’est donc l’avenir du logement social qui se joue aujourd’hui.
Le gouvernement précédent avait déjà lourdement pénalisé le mouvement HLM en faisant passer le taux de TVA de 5,5 % à 7 %.
Le 6 novembre dernier, le Premier ministre a annoncé que le taux applicable aux travaux d’investissement dans le logement serait porté de 7 % à 10 %. Cette décision rendrait impossible la mise en œuvre des engagements de construire 150 000 logements sociaux par an et de rénover 500 000 logements. Elle renchérirait pour les locataires le niveau des loyers et des charges.
Les locataires en place, déjà très fragilisés par la crise, ne peuvent faire les frais d’un alourdissement de la fiscalité sur le logement social. Les Français mal logés ne peuvent voir sans cesse reporter la mobilisation nationale pour le logement sous prétexte d’une réduction des dépenses publiques. Le logement social est un bien de première nécessité ; avoir un toit est un droit fondamental.
Avec les locataires, les députés du Front de gauche défendent un taux de TVA réduit sur les investissements dans le logement social. Il est indispensable que la production, la réhabilitation et la maintenance du logement bénéficient d’une TVA à 5 % et non pas à 10 % comme prévu. Madame la ministre, soutiendrez-vous un tel taux réduit ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.
Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Monsieur le député, il se trouve que, dans quelques heures, d’aucuns seront rassurés : comme vous le savez, le Président de la République annoncera demain un plan d’investissement en faveur du logement qui comprendra de nombreuses dispositions.
L’actuelle majorité avait regretté, quand elle était dans l’opposition, la hausse de la TVA sur le logement social. Il est donc évident que, pour atteindre les objectifs très ambitieux que le Gouvernement se fixe – 150 000 constructions de nouveaux logements sociaux par an –, il faut des dispositions favorisant leur réalisation.
Nous avons déjà mobilisé une aide à la pierre plus importante que celle qui existait dans les précédents budgets ; c’est un effort sans précédent depuis des années. Nous avons également lancé une mobilisation exceptionnelle en faveur d’Action Logement, avec des subventions de plus de 950 millions d’euros par an, sans compter un emprunt de la Caisse des dépôts et consignations.
L’investissement du Gouvernement en faveur du logement est donc total. Votre question trouvera sans doute rapidement une réponse plus précise, mais je puis d’ores et déjà vous dire que ceux qui s’inquiètent peuvent s’endormir en paix ce soir et faire de beaux rêves ! (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Comme vous le voyez, mes questions sont d’une efficacité redoutable ! (Sourires.)
Le Premier ministre a annoncé il y a dix jours la prorogation de quinze jours de la trêve hivernale des expulsions locatives. Cette décision était la bienvenue en cette période de grand froid, mais ce sursis ne saurait suffire à toutes les familles qui seront chassées de leurs logements sitôt survenue la date du 31 mars.
À l’heure où la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale fait état d’une hausse de 28 % des demandes d’hébergement d’urgence en février 2013 par rapport à février 2012, l’accès à un logement doit être plus que jamais un droit ; personne ne doit se retrouver à la rue, sans solution de relogement.
Selon nous, il n’est pas acceptable de mettre à la rue des familles de bonne foi dont les membres, occupants légitimes d’un logement, frappés par un accident de la vie ou confrontés à la précarité, se trouvent simplement dans l’incapacité de payer leur loyer.
De nombreux maires – du Front de gauche, mais aussi d’autres courants politiques – prennent chaque année des arrêtés anti-expulsions. Chaque année plus nombreux depuis 2004, ces maires expriment leur refus des expulsions locatives, pratique digne d’un autre temps. Le coût de l’accompagnement des personnes victimes ou en instance d’expulsion pourrait pour une bonne part financer le maintien dans les lieux de milliers de familles.
Face à cette réalité, les choix du Gouvernement sont timides. Le sursis décidé pour les personnes reconnues prioritaires au titre du droit au logement opposable n’est que justice. En cette période économique très difficile, et alors que le Gouvernement risque – au moins jusqu’à demain matin, semble-t-il – d’alourdir le fardeau des locataires en portant la TVA de 7 % à 10 %, les députés que je représente renouvellent leur soutien aux arrêtés anti-expulsions.
Madame la ministre, un moratoire sur toutes les expulsions locatives est une nécessité. Souscrivez-vous à cette idée ? Que comptez-vous faire face au défi des expulsions ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Cécile Duflot, ministre. Monsieur le député, votre question est intéressante car les expulsions locatives sont un enjeu central. On sait très bien, en effet, que c’est souvent au moment d’une expulsion qu’une famille ou une personne se trouvent projetées à un niveau de précarité bien plus important. La prévention et la lutte contre les expulsions sont donc des éléments majeurs d’une vraie politique d’inclusion sociale.
Sur ce point, vous avez eu raison d’évoquer les personnes de bonne foi. Aujourd’hui, l’expulsion est le dernier recours dont dispose un propriétaire qui voit ses loyers impayés pour recouvrer l’usage de son bien. Il convient de ne jamais oublier que c’est bien là le but de ces décisions qui connaissent une hausse tendancielle.
Cela ne nous dispense pas de travailler non seulement sur la prévention des expulsions, mais aussi sur la possibilité pour les personnes d’avoir accès à un logement dans de bonnes conditions. Je m’explique. Comme vous l’avez suggéré, certaines familles sont victimes d’un accident de la vie, par exemple une séparation. Si l’on sait que les membres de cette famille n’auront pas, de façon durable, les moyens de subvenir à leurs besoins et de payer un loyer qui était adapté à la composition antérieure du foyer, il faut pouvoir travailler sur leur changement de logement.
Nous envisageons de faire ce travail dans le cadre de la garantie universelle des loyers. C’est un chantier très important, annoncé par le Président de la République, qui vise à prévenir, dès le premier impayé, les décisions douloureuses qui peuvent survenir. En travaillant au plus près des familles, on peut intervenir de manière efficace auprès d’elles ; on peut également identifier les locataires de mauvaise foi qui profitent des failles de la loi de 1989.
Cependant – et je vous remercie de l’avoir rappelé –, nous avons pris une décision très claire : aucune expulsion avec recours à la force publique ne peut intervenir pour les bénéficiaires de la priorité au titre de la loi DALO, puisque la responsabilité de l’État est de reloger ces familles. Cette circulaire, cosignée par Manuel Valls, ministre de l’intérieur, et moi-même s’applique dès aujourd’hui.
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Les assises pour une politique publique et sociale du logement se sont tenues à l’Assemblée nationale le jeudi 21 février, à l’initiative de l’association des élus communistes et républicains.
De nombreux élus, associatifs, citoyens et personnalités du monde du logement sont venus de divers horizons pour faire émerger des propositions concrètes, à la mesure de l’ampleur de la crise du logement.
Outre le très large consensus sur l’impérieuse nécessité de faire bénéficier le secteur du logement social d’un taux très réduit de TVA, tous se sont accordés à demander la suppression de la loi Boutin, de ses surloyers et de ses critères de sous-occupation, véritable machine de guerre contre la mixité sociale dans l’habitat.
Les participants ont aussi demandé une réorientation budgétaire. Le niveau des aides à la pierre est trop bas. La ponction sur Action Logement – 1 milliard – et l’obligation qui est faite à cette structure d’emprunter 1 milliard à la Caisse des dépôts et consignations pour financer une compensation d’aide à la pierre la met en péril. Pour réorienter ce budget, il faut revenir sur le 1,7 milliard d’euros d’exonérations que représente, pour les promoteurs, le dispositif qu’on appelle Duflot !
En outre, les participants ont demandé la réquisition effective de logements vides, une nécessité pour répondre notamment au froid et aux difficultés de l’hébergement d’urgence.
Enfin, ils ont souhaité que les sanctions à l’égard des communes qui refusent encore de construire des logements sociaux soient effectivement renforcées, notamment en permettant aux préfets de réduire les dotations ou de se substituer aux maires récalcitrants.
Face à ces quatre propositions d’urgence, madame la ministre, comment vous positionnez-vous ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.
Mme Cécile Duflot, ministre. Monsieur le président Chassaigne, je risque de vous décevoir sur un point.
M. André Chassaigne. Un sur quatre, ce n’est pas si mal !
Mme Cécile Duflot, ministre. Il ne me semble pas juste de considérer que le dispositif qui porte mon nom est un cadeau fait aux promoteurs. Je suis absolument convaincue que nous avons besoin, dans notre pays, d’un parc de logements à loyers intermédiaires entre le parc social et le loyer « de marché ».
L’aide de l’État, par le biais de la défiscalisation, permet de réorienter une partie de l’épargne en direction de l’investissement locatif, ce qui est certes utile à l’activité du bâtiment, mais aussi aux futurs locataires, qui bénéficieront d’une minoration de 20 % du loyer si leurs ressources sont en deçà d’un certain plafond. Ce dispositif commence à se développer de manière efficace et nous espérons en voir bientôt les fruits.
Nous avons eu l’occasion de discuter longuement des réquisitions. Nous avons lancé de manière très volontariste une action de réquisition dans plusieurs communes et régions de France. Nous en dresserons un bilan très transparent dans quelques semaines.
Il semble que pour rendre massivement des locaux vacants à un usage d’habitation, ce soit bien davantage sur les bureaux – 3 millions de mètres carrés en Île-de-France et sans doute 1 million sur le reste du territoire – que sur les immeubles de logements vacants, plus si nombreux, qu’il faille agir dans un premier temps. Et dans un deuxième temps il faudra agir, non sur les immeubles de logement, mais sur les logements eux-mêmes qui sont vacants.
Sur le premier point, nous devons travailler à lever les obstacles juridiques, bien réels, qui s’opposent aujourd’hui à la transformation des bureaux en logements.
Quant au second point, nous avons d’ores et déjà relevé la taxe sur les logements vacants et réduit la durée de vacance au terme de laquelle elle s’applique. Nous travaillerons aussi sur une démarche incitative en direction des propriétaires : la garantie universelle des loyers permet, en effet, de sécuriser durablement les propriétaires.
S’agissant de ce débat qui a occupé nombre de parlementaires, nous avons pu constater qu’elle ne s’appliquait pas de fait. Nous aurons l’occasion, sur la question des attributions et de ces règles, d’aller au fond des choses dans le cadre du débat parlementaire sur la future loi logement et urbanisme.
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour une nouvelle question.
M. André Chassaigne. Aussi bien dans le nouveau projet de loi Duflot 2 sur le logement et l’urbanisme que dans l’acte III de la décentralisation, la logique que défendent le Gouvernement et sa majorité est à l’évidence celle d’une attribution de la compétence logement aux intercommunalités et aux métropoles.
L’intention affichée est donc – disons les choses clairement – de déposséder les communes du pouvoir de bâtir. Les maires seront dessaisis de leur capacité de décider de l’occupation des sols et du sort des permis de construire au profit des seules structures intercommunales. Or, chacun le sait, celles-ci sont moins transparentes et moins démocratiques que nos communes. Ce serait un recul très grave pour les politiques publiques du logement que d’entériner ce transfert.
En région parisienne, l’avant-projet de loi prévoit même la création d’une structure supplémentaire intitulée « Métropole de Paris », qui serait gouvernée par les présidents d’intercommunalités de plus de 300 000 habitants de la zone dense de l’Île-de-France. Elle serait dotée de compétences larges en matière de logement, se substituant donc aux maires !
Un tel projet pose un grave problème démocratique : comment peut-on accepter de confier des pouvoirs aussi importants à une structure dont les élus sont désignés avec trois niveaux de délégation ? Comment accepter que ni les communes ni les départements ni la région, dotés, eux, d’élus au suffrage universel direct, ne soient présents dans une telle structure ? Comment croire que des intercommunalités de projet, utiles aux populations, naîtront d’un regroupement forcé par le préfet ?
Madame la ministre, allez-vous, avec nous, enrayer la dépossession de la compétence logement des communes ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Cécile Duflot, ministre. Monsieur le président Chassaigne, je ne crois pas que la compétence logement, comme vous le dites, soit une possession, pour la simple raison – la démonstration en a été faite – que c’est par la mobilisation simultanée des différents niveaux de collectivités territoriales, notamment des départements et des régions, en plus des communes ou des intercommunalités, avec bien sûr l’appui de l’État, que l’on arrive à débloquer nombre de situations.
Pour ce qui est de la compétence d’urbanisme – je ne parle pas de la compétence de délivrance des permis de construire, car nous aurons ce débat plus tard –, un certain nombre de dynamiques intercommunales – je pense en particulier aux SCOT, les schémas de cohérence territoriale – ont montré à quel point un travail intercommunal est utile en matière de planification des projets et d’occupation de l’espace.
Pour ce qui est du plan local d’urbanisme, il est également assez décisif, notamment pour toutes les intercommunalités au-dessus d’un certain nombre d’habitants, de pouvoir faire fi des frontières communales dans la réflexion sur l’occupation de l’espace. Nous ne sommes plus au début du XXe siècle où, quand on habitait une commune, on y vivait, on y mangeait, on y travaillait, on y allait à l’école, on y vivait ses loisirs. Aujourd’hui, les limites communales dans la vie quotidienne ont changé. La répartition des lieux d’activité, de scolarisation et de culture n’est plus circonscrite à l’espace communal. Par conséquent, la réflexion de l’aménagement de l’espace, de l’équilibre entre les zones d’activité, d’emploi et les zones de logement se développe de manière nécessaire et évidente à l’échelon intercommunal. C’est donc une volonté du Gouvernement que de travailler, dans le respect de la compétence des maires pour la délivrance des permis de construire, à cette association et à ce travail en commun sur la réflexion de l’occupation de l’espace.
C’est une question qui sera au cœur de la partie « urbanisme » de la loi que j’aurai le plaisir de porter devant vous dans quelques semaines ou quelques mois. Mais je peux d’ores et déjà vous faire part de ma conviction sincère sur le sujet : c’est, à l’inverse d’une dépossession, la capacité d’une réflexion collective beaucoup plus aboutie et c’est plutôt une sécurisation pour les maires qui ont parfois à faire face à des contraintes contradictoires, qu’ils peuvent alléger en travaillant de manière intercommunale sur ces sujets.

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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