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Pt sénat élection des sénateurs

La parole est à M. Marc Dolez.
M. Marc Dolez. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons ce soir vise à améliorer la représentativité du Sénat et à renforcer sa légitimité. Il s’agit donc de rapprocher le plus possible le suffrage sénatorial de l’égalité démocratique en tenant compte du poids démographique des collectivités que représente cette institution. La représentation du Sénat doit effectivement être la plus équitable possible, ce qui implique de poursuivre une réflexion, ancienne et récurrente, sur la composition de son collège électoral et sur son mode de scrutin.
Je veux ici remercier notre rapporteur, Bernard Roman, d’avoir fait référence au rapport que j’avais présenté au nom de la commission des lois à l’occasion de l’examen du texte qui est devenu la loi du 10 juillet 2000 et dans lequel nous nous interrogions déjà sur la portée et les interprétations de l’article 24 de la Constitution.
Avec ce texte, le Gouvernement ne nous propose pas de remettre en cause les traits fondamentaux et les caractéristiques du scrutin sénatorial. Les remettre en cause susciterait un débat d’une autre nature, qui induirait une réforme profonde de nos institutions, que pour notre part nous envisagerions volontiers dans le cadre de la VIe République que nous appelons de nos vœux. Tel n’est pas le débat de ce soir.
Dans le cadre du suffrage universel indirect qui caractérise le mode de scrutin sénatorial, ce projet de loi poursuit deux objectifs que nous approuvons : assurer une plus juste représentation des territoires et des populations, renforcer la parité.
Concernant la représentation des différentes collectivités territoriales, le premier problème tient à la composition du corps électoral. Les délégués des conseils municipaux représentent près de 96 % des 148 000 membres du collège électoral sénatorial. Or, plus des deux tiers de ces délégués représentent les communes de moins de 10 000 habitants, alors que celles-ci ne regroupent que la moitié de la population. Comme l’a relevé la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, le mode de désignation des délégués sénatoriaux « favorise à l’excès la représentation des communes rurales faiblement peuplées, au détriment des communes urbaines ».
En outre, comme le souligne encore la commission Jospin, la méthode de désignation des délégués des conseils municipaux se traduit par des effets de seuil importants qui aboutissent à une sous-représentation de certaines communes, par exemple des communes de 5 000 à 9 000 habitants et de celles qui comptent de 20 000 à 30 000 habitants.
Une telle situation ne saurait évidemment perdurer, car elle se traduit par une méconnaissance du principe d’égalité devant le suffrage. Même filtrée par les collectivités territoriales que le Sénat est chargé de représenter, la voix de chaque électeur doit avoir partout un poids équivalent. C’est pourquoi nous approuvons l’article 1er du projet de loi, qui vise à permettre aux communes de plus de 30 000 habitants de désigner un délégué supplémentaire par tranche non plus de 1 000 habitants mais de 800 habitants, afin d’assurer aux communes urbaines une meilleure représentation au sein du collège électoral sénatorial.
Cet élargissement du collège électoral s’impose pour une plus grande légitimité démocratique du Sénat. Il a le mérite à nos yeux de préserver la représentation sur une base communale, laquelle est la meilleure garantie d’une juste représentation des territoires dans le cadre d’un scrutin indirect. Pour notre part, nous n’aurions pas pu être favorables à la pondération des voix des grands électeurs préconisée par le rapport Jospin ou à un changement qui aurait été opéré par le biais d’une plus forte représentation des conseils généraux et des conseils régionaux, ce qui n’aurait pas contribué à améliorer le pluralisme.
Cela étant dit, nous pensons aussi que, tout en respectant les limites fixées par la décision du Conseil constitutionnel du 6 juillet 2000, il eût été possible d’aller un peu plus loin dans le rééquilibrage par une baisse un peu plus importante du nombre d’habitants par tranche et sans que le seuil de déclenchement reste fixé à 30 000 habitants.
Le second problème tient au mode de scrutin actuel qui fait une place trop faible au scrutin proportionnel et par conséquent nuit à une juste représentation de la diversité des courants politiques. En effet, 48 % des sénateurs sont aujourd’hui élus au scrutin majoritaire. Or, comme cela a été maintes fois démontré, le mode de scrutin indirect, quand il est majoritaire, conduit à démultiplier les effets de la logique majoritaire.
En abaissant le seuil au-delà duquel les sénateurs sont élus au scrutin proportionnel, le projet de loi favorise le pluralisme, et c’est un progrès indéniable. Il garantit aussi une parité effective et c’est là une autre exigence démocratique car, disons-le, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, le Sénat a longtemps été une assemblée masculine.
Ce n’est qu’avec l’entrée en vigueur de la loi du 6 juin 2000 que les choses ont vraiment bougé. Dans la mesure où le Sénat était alors renouvelé par tiers, les effets du texte se sont échelonnés. En une dizaine d’années, le nombre de femmes a été multiplié par quatre, pour atteindre, à la veille du renouvellement de 2011, une proportion de 23,3 %.
Cette dynamique ne s’est pas prolongée puisque, au lendemain des élections sénatoriales de 2011, la proportion n’était plus que de 22 %. Conformément à l’objectif fixé par ce projet de loi, un nouvel élan est aujourd’hui nécessaire pour reprendre la progression vers une parité effective.
C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons être que favorables au dispositif proposé. Nous approuvons également la composition paritaire des listes de candidats pour la désignation des délégués des conseils municipaux et de leurs suppléants, ainsi que la stricte parité pour les titulaires et les suppléants dans les départements élisant au plus deux sénateurs – car c’est là aussi un progrès.
M. Jean-Jacques Urvoas, Président de la commission des lois constitutionnelles de la législation et de l’administration générale de la République et qualitevide, M. Bernard Roman rapporteur. Très bien !
M. Marc Dolez. Pour conclure, si ce texte constitue une avancée, elle reste modeste puisqu’elle n’est pas accompagnée d’une réflexion sur le rôle et la représentativité du Sénat et, plus largement, sur la revalorisation du Parlement. Sous cette réserve, et pour toutes les raisons indiquées, les députés du Front de gauche voteront ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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Marc
Dolez

Député du Nord (17ème circonscription)

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