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Pt habilitant le Gouvernement à légiférer pour accélérer les projets de construction

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Ce projet de loi autorisant le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour permettre que s’accélèrent les projets de construction appelle un commentaire liminaire de notre part.
J’ai été surpris d’entendre, dans la bouche du Président de la République jeudi dernier, que le projet de loi dont nous débattons avait pour but de limiter l’inflation législative. Je cite : « Le volume des textes applicables, dans notre pays, a triplé en dix ans ! Triplé ! Si l’on mesurait effectivement l’efficacité des gouvernements au nombre de textes pris, je ne doute pas que, sur ces dix dernières années, l’objectif avait été atteint ! Moi, je préfère que l’on allège. Il y aura donc deux lois d’habilitation qui vont être demandées au Parlement pour permettre au Gouvernement d’agir par ordonnances. L’une d’elles concerne le logement. »
Or ce n’est pas parce qu’une loi fait l’objet d’une ordonnance que les textes applicables sont moins nombreux, d’autant que nous devons non seulement débattre de l’autorisation, mais encore ratifier une par une les ordonnances ainsi prises. Est-ce à dire que, dans l’esprit du Président de la République, c’est le débat parlementaire qui fait problème, plus que le nombre de textes ? Si tel était le cas, ce serait grave, mais cela pourrait expliquer la légèreté, pour ne pas dire l’irrespect, avec lequel nous sommes trop souvent traités.
Certes, ce n’est pas une nouveauté de la présente législature. La droite nous a allègrement montré à quel point elle méprisait notre assemblée.
Mais force est de constater que les choses n’ont guère changé avec le changement de majorité. Le projet de loi issu de l’accord national interprofessionnel nous en offre un bon exemple : non seulement les parlementaires étaient sommés de ne pas toucher l’équilibre du texte voulu par le MEDEF, mais encore le Gouvernement a utilisé la procédure d’urgence, puis la seconde délibération et enfin le vote bloqué pour nous lier les mains !
Chacun peut également constater que les niches parlementaires sont vidées de leur sens à coup de renvois en commission, ou de suppression sans discernement de l’ensemble des articles pour éviter le vote. Chacun peut constater que notre calendrier de travail est surchargé, que les délais réglementaires sont parfois négligés avec, au bout du compte, une perte de temps.
C’est dans ce contexte que le Gouvernement nous impose des ordonnances. Erreur en deçà des élections, vérité au-delà !
M. Michel Piron. Blaise Pascal paraphrasé !
M. André Chassaigne. Légèrement modifié ! (Sourires.)
Je ne suis pas convaincu par l’unanimité exprimée aujourd’hui en faveur du recours à une telle procédure.
Pourquoi, en lieu et place de ce texte, ne débattons-nous pas directement des mesures d’urbanisme proposées ? Certes, l’urbanisme est un domaine très technique, mais il a des implications directement politiques, comme le savent les élus locaux que nous sommes. Aussi n’est-il pas opportun de nous écarter de l’élaboration de ces nouvelles normes.
En effet, une fois que les ordonnances auront été rédigées par l’exécutif, il ne nous sera plus possible de revenir sur le détail des dispositions. Il nous faudra voter soit pour, soit contre la ratification, et avaler ainsi le texte dans son ensemble !
En tout état de cause, l’inflation législative n’a rien à voir là-dedans et les députés du Front de gauche regrettent aussi bien les propos à l’emporte-pièce du Président de la République que le recours aux ordonnances.
Sur le fond, qu’en est-il des modifications apportées par ce texte ?
Pour notre part, nous sommes partisans de la densification du bâti en zone tendue, notamment pour lutter contre l’étalement urbain. Certaines mesures vont donc dans le bon sens, mais nous pensons que cette densification ne doit pas se faire à coup de déréglementations du code de l’urbanisme.
C’est d’ailleurs ce que les différents groupes de la gauche avaient estimé lorsque la droite avait proposé, sur un coup de tête du président Sarkozy, l’augmentation de 30 % des droits à construire. À l’époque, chers collègues de gauche, nous avions critiqué ensemble un texte qui prétendait favoriser la construction de logements sans allouer un euro à cet objectif.
On peut vouloir, comme vous le faites, simplifier et contourner les normes urbanistiques ; mais comment croire que c’est, par exemple, l’obligation de créer des places de stationnement qui freine durablement la construction de logements dans notre pays ?
Il nous semble illusoire de laisser penser que le déficit de construction de logements serait lié à des blocages administratifs ou juridiques. C’est là une vision réductrice, à laquelle nous ne souscrivons pas. Couvrez ce sein que je ne saurais voir…
M. Michel Piron. Ah ! Nous passons à Molière !
M. André Chassaigne. Ce doit être Dorine dans Le Tartuffe, du moins celui de Dorine ! (Sourires.)
Pour notre part, nous soulignons depuis des années que les vrais leviers sont le foncier et les aides à la pierre. Les parlementaires communistes ont d’ailleurs déposé une proposition de loi en vue de la création d’une agence nationale foncière permettant d’agir sur la spéculation sur les terrains à bâtir. Nous nous battons également pour une relance des financements en faveur de la politique du logement social. Or avec le présent texte, certes de transition, madame la ministre, nous sommes encore une fois placés devant une loi sur le logement qui n’apporte pas un sou de plus pour la construction et pour le logement social.
En revanche, plusieurs possibilités de dérogations aux plans locaux d’urbanisme sont ouvertes par le présent texte.
Ainsi, il est proposé de permettre que les constructions soient réalisées en dérogation aux règles de volume de construction des PLU dès lors que le projet prévoit l’alignement de la nouvelle construction sur la hauteur de l’immeuble mitoyen et que cette solution ne porte pas atteinte à la qualité urbaine du secteur.
Sur la question du rehaussement des immeubles, il est prévu de permettre explicitement de déroger aux règles de stationnement et de densité définis au sein du PLU et de donner la possibilité au préfet de région d’autoriser qu’un projet déroge à certaines règles d’urbanisme du code de la construction relatives, notamment, à l’équipement lié à l’accessibilité, à la performance énergétique et acoustique.
Vous me permettrez, madame la ministre, de m’étonner qu’une ministre écologiste porte devant la représentation nationale un texte permettant de déroger aux normes en matière de performance énergétique du bâti…
Quoi qu’il en soit, on le voit bien, les PLU communaux sont vus comme des freins à la construction. Nous combattons cette logique qui vise à dessaisir les communes des compétences logement et urbanisme. Sur ce point, nous serons attentifs au contenu de votre future loi, madame la ministre, ainsi qu’à l’acte III de la décentralisation. Vous le savez, nous serons vent debout contre le sabordage des communes et les coups portés à la démocratie locale.
Le présent texte veut par ailleurs favoriser le développement du logement dit « intermédiaire ». Le dispositif de défiscalisation Duflot obéissait déjà à cette volonté. Nous sommes ici dans le droit fil des politiques d’investissement locatif menées par le précédent gouvernement. Selon nous, le logement intermédiaire existe déjà : il s’agit du PLS, c’est-à-dire la catégorie la moins sociale du logement social. Celle-ci est d’ores et déjà majoritaire dans la construction de logements sociaux. En créant cette nouvelle catégorie, vous ne contribuez pas à faire baisser les prix du marché privé : vous les sanctuarisez au contraire en créant une offre dédiée à ceux qui ne peuvent plus se loger dans le privé, sans toutefois pouvoir bénéficier d’un logement social.
Parmi les autres dispositions proposées, nous soutenons la lutte contre les recours abusifs, même si, dans certains cas, les recours effectués par les associations de riverains ou d’usagers ont permis de lever de gigantesques lièvres, comme dans le cas des partenariats public-privé. Sans doute faut-il lutter contre les procédures dilatoires et les recours mafieux. Mais soyons attentifs à ne pas généraliser ! Ce serait une grave erreur de considérer que les garde-fous et les recours administratifs sont systématiquement infondés.
L’idée de faciliter la transformation des bureaux inutilisés en logements est également intéressante. Je rappelle que l’on compte aujourd’hui 4,5 millions de mètres carrés de bureaux inoccupés en Île-de-France, dont 1,1 million dans la capitale. Il faut d’ailleurs aller beaucoup plus loin pour permettre la transformation massive de ces surfaces en logements. Car si de telles surfaces de bureaux sont vides, c’est que les bureaux sont une marchandise plus rentable que les logements pour les spéculateurs.
À ce propos, madame la ministre, qu’en est-il de la réquisition, dont nous avons tant débattu ? Il semblerait qu’aucune des procédures lancées par le ministère n’ait encore abouti. Pourquoi un tel délai, alors que vous aviez pris, suite à mes interpellations, des engagements très solennels dans cet hémicycle ? Je pense que vous ferez le point dans votre réponse.
Enfin, l’obligation de garantie pour sécuriser les acquéreurs de logements en voie future d’achèvement va incontestablement dans le bon sens.
Vous le voyez, si nous saluons les quelques bonnes mesures que contient ce texte, le recours aux ordonnances et le rabotage des compétences communales nous amènent à nous abstenir sur ce projet de loi.

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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