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Pouvoirs publics : article 11 de la Constitution (extension du référendum)

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues. depuis la consultation populaire que l’ensemble de la gauche a menée sur l’ouverture du capital de La Poste, nous savons – mais nous le savions déjà – que les citoyens veulent s’exprimer. Ils ont été, cette fois, plus de deux millions à le faire et cela donne du sens à notre demande, maintes fois répétée, de mise à l’ordre du jour de la loi organique portant application du nouvel article 11 de la Constitution, issu de la loi de modernisation des institutions de la Ve République. De cette façon, les électeurs auraient eu le moyen juridique de se faire entendre et de rendre effectif un vote qu’ils jugeaient important et utile. Mais le Gouvernement a choisi de manifester un double mépris vis-à-vis de cette démarche !
Mépris, d’abord, envers deux millions de Français qui ont participé à la votation citoyenne et qui ne pourront pas récidiver dans un cadre légal avant que le projet de loi soit soumis à notre assemblée.
Mépris, ensuite, envers le Parlement auquel on demandera de voter d’abord le texte sur l’ouverture du capital de La Poste et, ensuite seulement, celui qui aurait rendu possible l’organisation, sur ce premier point, d’un référendum.
Est-ce à dire que le Gouvernement sait que, si les Françaises et les Français avaient les outils juridiques pour se prononcer électoralement sur la réforme de La Poste, ils la refuseraient ? Est-ce à dire que le Gouvernement souhaite mener sa réforme néolibérale à l’abri de la souveraineté populaire ?
Le calendrier retenu peut le laisser fortement penser.
Peut-être avez-vous peur de ce peuple qui pourrait « se tromper » en votant non, comme il a pu le faire lors de la mobilisation sans précédent au début de ce mois, ou encore en mai 2005.
Quoi qu’il en soit, le Gouvernement et la majorité décrédibilisent la portée du référendum. Pourtant, le référendum, c’est la légitimité démocratique à son plus haut niveau, l’expression de la souveraineté populaire.
Le coût d’un référendum n’est pas exorbitant, contrairement à ce que le Gouvernement laisse entendre, et la votation citoyenne l’a montré. Et ce principe de participation citoyenne en dehors des échéances purement électorales nous a été vendu, lors de la réforme constitutionnelle, comme « le » volet citoyen, refondateur d’un nouveau type de participation citoyenne.
Pourtant nous ne comptons plus les promesses trahies, les aspirations déçues, avec pour résultat la défiance des citoyens à l’égard des institutions, de la représentation politique et – plus grave encore – de la politique elle-même. Autant de phénomènes qui participent à la crise du politique, devant laquelle nous refusons d’abdiquer.
En réalité, ce qui vous fait peur, monsieur le ministre, n’est-ce pas qu’un vote populaire sanctionne trop visiblement le gouvernement en place ? Ouvrir la possibilité d’un référendum d’initiative populaire aurait participé d’une démarche volontariste de votre part pour impliquer un peu plus les citoyens avec leur environnement politique. Or il n’en a rien été et, si nous réclamons aujourd’hui l’application de la réforme de l’article 11, il faut rappeler que nous n’étions pas pour autant favorables au projet de loi de modernisation des institutions de la Vème République.
Nous avions défendu des propositions alternatives pour que les institutions soient réellement réformées, c’est-à-dire que le pouvoir soit donné au Parlement et aux citoyens, que la démocratie soit insufflée à tous les échelons de l’État et que le pluralisme assure la vitalité de notre vie publique. Car rappelons au passage que ce fameux article 11 est loin d’être la panacée d’un suffrage référendaire représentatif et à la portée des citoyens, même très mobilisés. Ǎ trop parler de référendum, nous en avons oublié le véritable sens de l’article voté en juillet 2008. Ainsi, les conditions que cet article 11 fixe pour qu’un référendum puisse être organisé rendent celui-ci, de fait, quasi impossible. Autrement dit, c’est un leurre, un de plus !
En effet, comment mobiliser un cinquième des membres du Parlement, puis un dixième des électeurs ? La difficulté est réelle, l’initiative quasi impossible. Quid donc d’un véritable référendum d’initiative populaire, et non parlementaire, car il s’agit bien de cela ?
Nous ne pouvons pourtant que soutenir la résolution que nous discutons en ce moment, puisqu’elle s’inscrit dans le sens d’une amélioration, mais nous ne pouvons nullement nous en contenter, et il nous faut déplorer tout d’abord qu’il ne s’agisse que d’une résolution. La recevabilité financière empêche les représentants de la nation que nous sommes de déposer ici et maintenant une proposition de loi organique permettant l’application du nouvel article 11 de la Constitution. Le Parlement est privé de ce droit élémentaire.
La résolution dont fait l’objet cette demande de mise en œuvre de l’article 11 ne peut contenir de pouvoir d’injonction. Le fait de la voter n’aura donc strictement aucun impact. Il y a quelque chose de pathétique, pour le Parlement, à en être réduit à proposer à l’ordre du jour, un jour par an, des textes dépourvus de la moindre force et qui ont pour seule finalité « d’estimer urgente » la mise en œuvre de tel ou tel texte !
Comme nous l’avons dénoncé lors des différentes discussions des lois organiques découlant de la réforme constitutionnelle, nous nous étonnons du peu d’entrain dont vous faites preuve quand il s’agit de la mise en œuvre du volet citoyen, alors que les lois organiques visant à permettre au Président de la République de nommer des PDG d’entreprises publiques, aux ministres de retrouver leur siège de député, ou encore à réformer le travail parlementaire en muselant l’opposition, ont été présentés avec une rapidité suspecte. Deux poids, deux mesures !
Il est tout de même sidérant qu’un groupe de l’opposition doive vous rappeler à l’ordre au sujet d’une initiative que vous avez inscrite dans la Constitution ! C’est pourquoi, en républicains convaincus, nous appuyons sans réserve la démarche de nos collègues socialistes, républicains et radicaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
 

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