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Pouvoirs publics : 5ème alinéa, article 13 de la Constitution (pouvoir de nomination du Président de la République)

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de m’étonner du calendrier retenu par le Gouvernement pour mettre à l’ordre à jour les lois organiques d’application de la réforme constitutionnelle de 2007. Dans cette réforme, nous considérions qu’il y avait au moins une disposition – peut-être la seule – positive : le référendum d’initiative populaire.
Tout se passe comme si le Gouvernement souhaitait retarder au maximum l’échéance de l’institution du référendum d’initiative populaire.
Nous regrettons que cela n’ait pas encore été mis à l’ordre du jour. De nombreuses municipalités, de droite comme de gauche, organisent en ce moment même une votation citoyenne sur l’avenir d’un service public qui nous est cher, celui de La Poste.
Sans cette loi organique, cette consultation populaire n’a pas de valeur juridique. Vous me permettrez donc d’appeler ce soir tous les citoyens qui le peuvent à s’exprimer à l’échelon municipal pour défendre le statut public de La Poste. Nous constatons la lenteur avec laquelle cette disposition constitutionnelle, qui avait été pourtant annoncée à grand renfort médiatique, est traitée. C’est le résultat d’une stratégie délibérée du Gouvernement.
Un sondage très récent paru dans un quotidien du matin dont je tairai le nom indique que 75 % des sondés sont défavorables au changement de statut de cette entreprise publique, symbole du service public français.
Il indique également que 61 % des répondants voteraient « non » si un tel référendum était institutionnellement possible.
Encore faudrait-il donner aux citoyens les moyens de s’exprimer par un vote en dehors des seules élections, des manifestations ou de l’action syndicale, qui n’ont de toute façon aucune valeur à vos yeux.
Mais, en lieu et place de l’extension du référendum, que nous aurions souhaitée, nous discutons ce soir d’une procédure de ratification parlementaire de nomination à certains emplois par le Président de la République. Ce qui est présenté comme une avancée majeure pour le pouvoir du Parlement n’est, à nos yeux, ni plus ni moins qu’un gadget.
Les commissions compétentes des deux chambres devront réunir trois cinquièmes de suffrages négatifs pour s’opposer à une nomination présidentielle. Autant dire que cela n’arrivera jamais – je suis prêt à prendre le pari ce soir qu’il n’y aura aucun contrôle parlementaire réel des nominations.
Quelle avancée pour les droits du Parlement ! Quel rééquilibrage de nos institutions ! C’est ce qui avait été vanté et mis en exergue ! C’est pourtant ce type de mesure fantôme qui fait dire aux membres du Gouvernement et de la majorité que les pouvoirs des parlementaires ont été considérablement augmentés par la loi de modernisation des institutions de la Ve République. Les députés communistes, républicains et du parti de gauche ne sont pas dupes et ne comptent pas donner quitus à Nicolas Sarkozy dans cette opération de communication.
Au moment de l’examen du texte de loi en première lecture dans cette enceinte, nous avions proposé que ce soient l’ensemble des emplois nommés par le Président de la République qui fassent l’objet d’un contrôle parlementaire. Il n’en est rien.
Les deux projets de loi dont nous discutons établissent une liste arbitraire de postes sur lesquels les parlementaires auront un modeste droit de regard. Pourquoi seulement ces postes ? Quel a été le critère de sélection ?
Pourquoi des postes importants exigeant impartialité et indépendance vis-à-vis de l’institution présidentielle ont-ils été écartés ? Qui a présidé à cette sélection ? Pourquoi l’étude d’impact, jointe au projet de loi, ne mentionne-t-elle pas ces postes ? Et d’ailleurs, qui est l’auteur de cette étude ? Il y a fort à parier que ce sont les propres services du ministère. L’auteur de l’étude d’impact est donc peu ou prou le même que celui du projet de loi qu’elle est censée « auditer » en toute indépendance. À part cela, tout va bien ! Et vous pouvez encore parler d’indépendance sans rougir !
Le projet ne se penche que sur les nominations au sein d’autorités administratives indépendantes ou de certaines entreprises publiques, écartant, de fait, les emplois les plus importants dans le fonctionnement de l’appareil d’État, à savoir ceux de directeur d’administration centrale, de préfet ou de diplomate. Avec une procédure aussi peu contraignante et qui rend tout veto parlementaire quasi impossible, il n’aurait pourtant pas été très risqué d’introduire ces emplois dans la loi ordinaire.
Le Parlement n’aura aucun droit de regard sur ces nominations stratégiques qui exigeraient pourtant impartialité, compétence et indépendance.
Pour ces postes-là, le chef de l’État, sorte de roi thaumaturge faisant fi de la séparation des pouvoirs, conservera toutes ses prérogatives, sans s’encombrer du Parlement. Par conséquent, l’audition des candidats par les commissions concernées n’aura même pas lieu, elle qui n’est pourtant qu’un simple exercice, et non le grand oral qui conviendrait à une pratique réellement démocratique et parlementariste et qui validerait une démarche sérieuse et volontariste.
Les députés communistes avaient également proposé que le droit de veto soit valable à la majorité simple, ce qui aurait eu le mérite de le rendre opérant sans brider les pouvoirs du Président de la République, qui peut s’appuyer sur sa majorité. C’était beaucoup trop demander.
Il est à noter que la commission de la défense nationale et des forces armées n’est pas concernée par ce projet de loi ; elle devient de fait une sous-commission, qui n’a visiblement pas son mot à dire sur les nominations.
Tout aussi étrange : le Gouvernement inscrit dans un projet de loi organique des postes qu’il entend par ailleurs supprimer. Ainsi, qu’en sera-t-il des postes de Défenseur des enfants, de Médiateur de la République ou de président de la Commission nationale de déontologie et de sécurité ? On exige une fois de plus des parlementaires qu’ils votent un texte qui sera mensonger sur ces questions, qui grave dans le marbre de la loi des postes que le chef de l’État compte rayer d’un trait de plume ! Ici aussi se manifeste un dédain du Parlement. Il est malheureux de constater à quel point la représentation nationale est méprisée par un exécutif qui navigue à vue.
Ce projet de loi met en lumière tous les défauts que nous avions dénoncés lors de la discussion de la loi de modernisation des institutions de la Ve République : tromperie sur la marchandise, partialité, double jeu, double langage et affichage.
Nous avions déploré que la réforme constitutionnelle ouvre la voie à une véritable gadgetisation de nos institutions. Ce projet de loi en est l’illustration parfaite. Il va donc de soi que les députés communistes, républicains et du parti de gauche voteront contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.).

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Patrick
Braouezec

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