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Police et sécurité : lutte contre les violences de groupes

Monsieur le président, madame la ministre d’État, mes chers collègues, depuis deux ans, votre gouvernement n’a de cesse, au prétexte de lutter contre l’insécurité, de faire légiférer le Parlement sur des textes fondés sur une logique sécuritaire, répressive et ayant pour base la peur organisée de l’autre. Cette proposition de loi ne déroge pas à la règle. Comme l’a très bien démontré Michel Vaxès, hier soir, votre Gouvernement dispose déjà d’un arsenal juridique suffisant pour combattre des faits que tous, ici, nous condamnons. Même si nous en contestons certains dispositifs, rien ne vous empêche de le mettre en œuvre si ce n’est le manque de moyens, de formation des personnels et d’une politique de prévention.
Une fois de plus, ce texte centré sur l’émotion et non sur la raison, est lourd de conséquences pour les libertés de chacun. Il ne fera, comme vient de le dire Claude Bartolone, qu’ajouter de la loi à la loi, aussi inapplicable que les précédentes sauf de manière occasionnelle et médiatique. Cette loi sera inefficace car elle n’apporte pas de vraie réponse et elle ne s’appuie pas sur la responsabilité individuelle.
À partir de ce qui s’est passé à Gagny le 10 mars dernier, le Gouvernement par une nouvelle loi d’affichage, voire populiste – en répondant dans l’urgence et à la lecture de ce projet de façon totalement inappropriée – ne prend pas ses responsabilités face aux problèmes d’exclusion que rencontrent nombre de jeunes des villes, des cités et même des campagnes.
Ce projet, comme de nombreux autres qui nous ont été imposés de manière totalement unilatérale, a un impact sur nos libertés publiques, c’est patent ; une fois de plus c’est l’État de droit que vous fragilisez en instaurant des mesures inadéquates, qui risquent d’entraîner des dérives importantes quant aux libertés fondamentales.
Les raisons qui poussent à ce projet sont parfaitement contextualisées et ne sauraient être généralisées à moins de vouloir les instrumentaliser pour continuer à mener ce que Naomi Klein appelle « La stratégie du choc ». Elle démontre avec brio et exemples à l’appui que les gouvernements qui utilisent ce processus instrumentalisent des événements pour mieux réduire les libertés tant sociales et économiques que publiques et privées. L’objectif étant de contrôler la population pour mieux lui faire avaler, par exemple en ce qui concerne la France, « l’ampleur » de la crise financière et le fait que rien ne changera pour les salariés, sauf que le nombre de suppressions de postes ainsi que le nombre des personnes expulsées de leur logement ne cessent d’augmenter.
Le Gouvernement se lave les mains des conséquences de cette crise si concrète pour nos concitoyens. Il préfère nous faire légiférer sur des projets indignes d’une démocratie reposant sur les valeurs de la solidarité, du partage et du respect des droits humains. Nous sommes ici quelques-uns à vouloir défendre ces principes.
Le Gouvernement vise, parce qu’il préfère que l’État soit répressif, à pousser à l’indifférence, à la résignation et à I’apathie. Dès lors, il n’existe aucun moyen de défendre les citoyens ou de les protéger, excepté avec ce que l’État a mis en place pour lutter contre « la » menace du terrorisme, contre l’insécurité qui, aux dires de certains collègues ou ministres ou encore de certains médias, envahit complètement l’espace social, et pis, menace la République.
Croyez-vous qu’en ayant un recours accru, depuis 2005, à la vidéosurveillance, à l’accès à des données relatives aux communications électroniques, à la constitution de fichiers concernant les étrangers qui voyagent, aux possibilités de contrôler et de photographier, en tout point du territoire, les occupants de véhicules, ou, enfin, à la consultation de multiples fichiers par des agents de la police et de la gendarmerie nationale, sans oublier que vous y avez ajouté le contrôle renforcé des mouvements transfrontaliers, voire de la circulation intérieure, avec une accessibilité facilitée des fichiers informatiques existants, un élargissement des possibilités de contrôle d’identité, une aggravation des peines et du régime de leur exécution, pour en arriver aujourd’hui à interdire « la participation à une bande ayant l’intention de commettre des violences ou des atteintes aux biens concertées », croyez-vous donc qu’un tel arsenal permettra de régler les problèmes sociaux et politiques auxquels sont confrontés le pays et plus largement l’Europe ?
Vous feignez de le croire. Dès lors, rien ne vous stoppe et cela nous inquiète. Jusqu’où irez-vous ? Pour notre part, alors qu’il est évident qu’avec cette crise économique, le vieux monde se meurt, et que le nouveau tarde à paraître, nous nous opposons à ces politiques liberticides et surtout à ce que dans ce clair-obscur, les monstres apparaissent, je reprends ici à mon compte les propos d’Antonio Gramsci.
Nous nous opposons aux coups que ce Gouvernement porte aux libertés afin de mieux contrôler, museler, encadrer la société et de mieux dominer, en faisant oublier les dérégulations économiques, sociales, culturelles, civiles et politiques.
Comme le groupe socialiste, nous défendrons des amendements : nous verrons bien si vous les adopterez ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
 

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Patrick
Braouezec

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