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Pn adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels

Je ne peux que saluer la volonté d’intégrer dans le code civil le trouble anormal du voisinage, même si cette proposition de loi reprend pour partie, il faut bien le reconnaître, des articles existants d’autres codes. Il est indéniable que ces troubles sont trop souvent la cause de querelles et d’actions judiciaires qui pourrissent le quotidien d’un trop grand nombre de foyers.

La notion de trouble du voisinage est déjà abordée dans notre législation, notamment par les articles L. 1240 et L. 1241 du code civil et les articles R. 1336-4 et suivants du code de la santé publique. Cependant, elle reste majoritairement sujette à l’appréciation du juge du fond, qui se fonde sur une jurisprudence particulièrement fournie. Cette proposition de loi lui laissera une grande marge d’interprétation, car elle ne donne pas la définition d’un trouble anormal du voisinage. Ainsi, nous continuerons à retrouver devant les tribunaux des griefs analogues à ceux qui étaient soulevés antérieurement à son éventuelle promulgation. Il nous faut toutefois reconnaître que s’attaquer à définir, de manière exhaustive, les troubles anormaux du voisinage serait un exercice particulièrement ambitieux et très périlleux.

Je note en outre que le dernier alinéa est quelque peu redondant. En effet, sa rédaction est pratiquement similaire à celle de l’article L. 113-8 du code de la construction et de l’habitation, créé par l’ordonnance du 29 janvier 2020 en remplacement de l’article L. 112-16 du même code. En effet, cet article dispose déjà que les activités professionnelles préexistantes n’ouvrent pas droit à réparation. N’est-ce pas là, monsieur le ministre, faire bégayer notre législation ?

D’ailleurs, vous avez rappelé qu’il s’applique sans préjudice des articles du code de la santé publique qui portent notamment sur l’intensité, la fréquence et la durée des bruits.

Néanmoins, ne pourrions-nous pas éviter certains contentieux liés aux troubles du voisinage ? En effet, une grande majorité de ces actions en justice sont évitables. C’est notamment le cas en milieu rural lorsque de nouveaux arrivants acquièrent une propriété à la campagne. Il est fréquent de voir des situations dégénérer, alors que le litige repose à l’origine sur des raisons futiles. L’action des forces de l’ordre est même parfois requise pour ramener momentanément le calme entre les parties adverses.

Et il y a quelquefois des drames.

En milieu rural, les troubles du voisinage sont essentiellement dus aux activités agricoles ou, tout simplement, au mode de vie à la campagne.

Combien de chants de coq, de cloches annonçant l’angélus, de bruits d’engins agricoles, d’odeurs d’excréments émis par des animaux d’élevage sont-ils à l’origine d’actes d’enrôlement ?

Et il ne s’agit pas seulement de cela. Les plus anciens d’entre nous ou les cinéphiles se souviennent sûrement de la mésaventure arrivée aux compères de Jean Rochefort lorsqu’ils firent l’acquisition d’une maison située à proximité d’une piste d’atterrissage, dans le film d’Yves Robert « Nous irons tous au paradis ». C’est la méconnaissance de l’environnement qui entraîne bien souvent les conflits de voisinage. Si le nouvel acquéreur s’était au préalable renseigné sur son futur environnement, il n’aurait peut-être pas acheté, ou bien il aurait acheté en parfaite connaissance de cause.

Les élus et les représentants de l’État le savent bien, de même que les médiateurs et conciliateurs si souvent sollicités pour résoudre ces situations et trouver une solution amiable satisfaisant les deux parties. En cas d’achoppement de ces démarches s’ensuit une bataille juridique, avec des délais importants et la diabolisation de chacune des parties, source de très grandes souffrances. Ces situations peuvent rapidement tourner au drame, notamment si les acquéreurs ont investi toutes leurs économies dans l’achat immobilier en question, se retrouvant alors prisonniers d’une situation non voulue.

Des démarches simples permettent pourtant de les éviter. Ainsi, de nombreuses études notariales appliquent une recommandation de la chambre des notaires du Morbihan qui impose aux futurs acquéreurs d’accomplir toutes les diligences utiles et nécessaires afin de s’informer sur l’environnement proche du bien acheté, notamment sur les éventuelles nuisances liées à des activités industrielles, artisanales, agricoles ou sportives. Lorsqu’elles sont contractualisées dans l’acte authentique de vente, ces diligences limitent, voire annihilent, toute velléité d’ester en justice. Toutefois, elles demeurent soumises à la bonne volonté des notaires ; elles ne sont pas généralisées sur l’intégralité du territoire national. Voilà une avancée que nous pourrions introduire dans le texte.

C’est ce que je vous proposerai par un amendement qui reprend une proposition de loi que j’ai déposée il y a quelques mois.

En conclusion, la proposition de loi recueillera bien évidemment un vote favorable du groupe Gauche démocrate et républicaine. Si vous me permettez ce trait d’humour, madame la rapporteure, nous voterons en sa faveur même s’il ne casse pas trois pattes à une volaille fermière du Morbihan !

(Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe RE. – Mme Marietta Karamanli applaudit également.)

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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