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Niche SRC : Hydrocarbures non conventionnels

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collèges, la présente proposition de loi a le mérite de la clarté, cette clarté que n’a pas eu le Gouvernement, lorsqu’au mois de mai dernier, il faisait voter une proposition de loi se réduisant à interdire la technique de la fracturation hydraulique.
La majorité avait alors essayé de nous convaincre de la nécessité de remplacer le terme d’abrogation des permis exclusifs accordés par une sorte de digression difficilement justifiable faisant référence à un rapport des opérateurs sous deux mois.
En vain, malgré les efforts conjugués de M. le rapporteur Havard et de Mme la ministre, nous étions convaincus, à l’issue des débats, qu’il s’agissait en réalité d’une parfaite reculade pour laisser le champ libre aux opérateurs concernés.
C’est ce qu’ils ont fait en continuant d’affirmer leurs droits durant toute la période, comme Total sur le permis d’exploration de Montélimar, en affirmant qu’il n’aurait pas recours à la fracturation hydraulique, ou comme le groupe Repsol qui demande à l’occasion d’autres permis de recherche sur la Côte Basque.
Madame la ministre, vous avez revêtu la toge du démineur (Sourires) avant l’entrée en scène du Président de la République dans le Sud de la France ; mais la seule abrogation des trois permis exclusifs d’exploration et d’exploitation concernant spécifiquement les gaz de schiste sur ces territoires tient davantage d’une scène de commedia dell’arte que de l’acte final de cette tragédie ratée.
Mme Christiane Taubira. Et cela rime !
M. André Chassaigne. Enfermée dans « une ample comédie à cent actes divers », comme disait La Fontaine, vous ne souhaitez pas aller plus loin sur la question essentielle : est-il raisonnable de vouloir exploiter des ressources d’hydrocarbures non conventionnels, dans notre pays, comme ailleurs dans le monde ?
Je considère pourtant qu’il appartient dès aujourd’hui à la représentation nationale de s’exprimer sur ce sujet.
À quelques semaines maintenant de l’ouverture de la conférence de Durban sur le changement climatique, nous savons en effet que la trajectoire des émissions actuelles de gaz à effet de serre vient valider une hypothèse de hausse des températures proche de 4° Celsius d’ici à la fin du siècle, alors même qu’au-dessus de 2° Celsius nous risquons l’emballement climatique avec des conséquences incontrôlables et dramatiques pour les sociétés humaines.
Les experts du GIEC nous le disent et le redisent : pour satisfaire les engagements de réduction d’émissions de C02 prônées par le GIEC, cela suppose, notamment pour les pays développés comme le nôtre, de faire des efforts considérables pour assurer la transition vers une énergie décarbonée.
Or quel est l’objectif des opérateurs qui déposent les permis de recherche et d’exploration sur les gaz de schiste ? Exploiter et distribuer des ressources fossiles, non renouvelables et émettrices de CO2 avec, si l’on en juge par les premières études publiées, un bilan carbone équivalent à celui de l’exploitation du charbon.
Aussi ne pouvons-nous pas prendre le problème de l’exploitation des gaz de schiste par le seul bout de la lorgnette environnementale ou économique. Cette exploitation pose la question des engagements que notre pays souhaite tenir au niveau international, sur le chantier prioritaire de la maîtrise du changement climatique.
Au-delà, je crois que notre pays devrait également porter une position forte au niveau européen d’abord, et international ensuite, sur la fuite en avant que constitue le développement des projets d’exploitation. Les projets d’exploration, voire d’exploitation, se multiplient à l’échelle européenne.
M. Yves Cochet. Eh oui !
M. André Chassaigne. Je pense aux pays de l’Est, et à la Pologne en particulier. S’ils arrivent à leur terme, ils porteront inévitablement atteinte à la crédibilité de la parole de l’Union Européenne dans les négociations climatiques.
Nous ne pouvons pas faire comme si nous ne savions pas que le développement de l’exploitation de nouvelles ressources fossiles comme les gaz de schiste consacre un véritable renoncement à répondre à l’intérêt général climatique.
À un an du prochain Sommet de la terre de Rio, je citerai deux phrases, bien connues, du rapport Brundtland de 1987 : « Le genre humain a parfaitement les moyens d’assumer un développement soutenable, de répondre aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations à venir de satisfaire les leurs… Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. »
C’est bien de cela qu’il est question avec les gaz de schiste : ne pas compromettre la capacité des générations futures de répondre à leurs besoins en s’inscrivant, par volonté ou par omission, dans cette fuite en avant qu’est l’exploitation des ressources fossiles ; ne pas compromettre la capacité des générations futures de répondre à leurs besoins en poursuivant, par volonté ou par omission, une trajectoire climatique insoutenable pour l’humanité.
Bien au-delà des impacts environnementaux de l’exploitation des gaz de schiste, la seule application d’un principe de responsabilité à l’égard de l’intérêt général climatique et des générations futures devrait conduire l’ensemble des députés de notre hémicycle à adopter ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)
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