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Lect. définitive - Pn transition vers un système énergétique sobre

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons une dernière fois aujourd’hui a suivi un parcours législatif complexe et douloureux, tant ses principales dispositions ont laissé la représentation nationale interrogative, pour ne pas dire dubitative. Lors de ce dernier passage, dont la procédure semble quelque peu rocambolesque, nous repartons donc en examinant le texte adopté initialement par notre assemblée.
Je rappellerai une nouvelle fois notre appui aux dispositions relatives à l’élargissement des tarifs sociaux, à l’interdiction des coupures et des résiliations de contrat, acquis d’un amendement fondamental adopté par notre assemblée lors de la nouvelle lecture.
Je tiens à rappeler aussi notre adhésion sans retenue à la création d’un véritable service public de la performance énergétique.
Ce texte peut donc reprendre, comme vient de le faire le Sénat, tous ces articles urgents, qui ne peuvent attendre et font consensus à gauche. Nous y sommes prêts, mais j’ai employé à tort le mot « consensus » : notre rapporteur vient d’en donner une définition totalement nouvelle par le biais d’une forme de révolution lexicale copernicienne !
Force est de constater, monsieur le rapporteur, que la commission des affaires économiques de notre assemblée n’a pas souhaité reprendre à son compte l’excellent travail mené par la Haute assemblée. Il s’agissait pourtant d’un juste rééquilibrage de son contenu, permettant de lever toute une série de risques inhérents aux mesures concernant le mécanisme du bonus-malus, mais aussi l’éolien. Le texte issu du Sénat avait pourtant trouvé une large adhésion au sein de ses groupes parlementaires.
Je conçois donc qu’il appartient désormais, et in fine, à chaque député de se faire sa propre opinion sur la réalité de ce que pourra être son application. C’est avec la conviction que la sagesse des députés pourrait converger avec celle des sénateurs que j’ai redéposé un certain nombre d’amendements qui me paraissent pouvoir emporter l’adhésion du plus grand nombre, pour un vote définitif conforme aux attentes de nos concitoyens.
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, oui, je considère moi aussi qu’il est « sage » de ne pas maintenir l’instauration du mécanisme d’un bonus-malus sur les consommations d’énergie de réseau dans ce texte. Oui, cet article 1er est toujours d’une complexité extrême, que bien peu de ménages comprendront, alors qu’il aura un impact direct sur leur facture énergétique. Je n’y reviendrai pas, il continue de remettre en cause la péréquation tarifaire et le principe d’un tarif unique sur tout le territoire, fondement de notre service public.
Mais surtout, je le répète, aucune des personnes et aucun des organismes que j’ai consultés n’estime qu’il apportera les bénéfices escomptés ou qu’il sera d’application facile. Les représentants d’associations de consommateurs, de représentants syndicaux, de techniciens de l’environnement, de juristes, tous dénoncent à la fois l’inégalité induite par le dispositif en l’état énalisant les familles les plus dépourvues pour procéder aux travaux d’isolation ou les locataires impuissants à faire engager ces mêmes travaux.
Bien en amont de la sanction, l’engagement en faveur du soutien de la rénovation thermique de l’habitat aurait dû constituer la mère des batailles de notre assemblée !
Malgré vos nombreuses explications et un début de prospective, madame la ministre, je m’interroge encore sur ce qui peut vous conduire à adopter une telle mesure dans la précipitation.
Outre l’injustice sociale, les mêmes personnes consultées m’ont alerté sur l’inefficacité écologique du système. Quels sont les réels objectifs ciblés du dispositif en matière de réduction des consommations dans le secteur résidentiel ? À quelle échéance ? Pour quels transferts entre énergies carbonées et non carbonées, renouvelables et non renouvelables ? Quels seront les effets de rebond de cette mesure en terme d’équipements, avec un bonus très bas et donc sans effet réel ou au contraire très haut et à caractère punitif ?
Ce sont là des questions essentielles aux yeux de n’importe quel énergéticien. Elles sont pourtant éludées, car le dispositif anticipe en quelque sorte sur l’objectif de baisse des consommations énergétiques.
J’aurai l’occasion d’y revenir lors des débats sur l’amendement de suppression de l’article 1er, adopté par les sénateurs de la majorité, mais je considère que la représentation nationale aurait tout intérêt à lier directement les objectifs de sobriété énergétique dans le secteur résidentiel à une refonte des leviers incitatifs d’amélioration de l’isolation ou d’acquisition de matériels comme les chauffe-eau solaires, dont l’efficacité est reconnue et qui figurent toujours parmi les grands oubliés. En raison, peut-être, du lobbying de certaines énergies renouvelables bien plus rentables pour leurs actionnaires ?
Une dernière fois, je veux d’ailleurs faire le point sur les dispositions concernant l’éolien, qui visent à modifier profondément la réglementation actuelle.
Je tiens une dernière fois à essayer de vous convaincre, mes chers collègues, de ne pas trancher ici en quelques minutes des problématiques complexes qui n’ont pas leur place dans ce texte.
Là comme ailleurs, monsieur le rapporteur, vous n’avez pas repris le travail des sénateurs, qui ont pourtant montré avec justesse leur souci de ne pas pousser les feux de la déplanification du développement éolien sans tenir compte des réalités territoriales et des impacts d’un développement anarchique guidé uniquement par la rente électrique tirée d’un système à revoir en profondeur.
Oui, la sagesse impose aussi d’intégrer le développement maîtrisé de l’énergie éolienne dans le débat d’ensemble sur la transition énergétique ! Au lieu d’un retour serein sur ces cavaliers législatifs, vous persévérez dans votre choix de libéralisation et de déréglementation du développement de cette énergie. Je l’ai déjà dit il y a quelques mois lors de la nouvelle lecture : ces dispositions constituent selon moi une erreur colossale et une faute contre la démocratie locale.
Légiférer en l’état sur ce sujet aura de lourdes conséquences sur la capacité à anticiper les développements de réseau nécessaires à l’accueil des productions et sur les capacités d’ERDF à gérer l’accueil des demandes, les études de raccordement et la gestion des contrats d’accès. Par ailleurs, la suppression des zones de développement de l’éolien confiera l’essentiel des décisions aux préfets, sous l’influence prédominante des promoteurs et dans des zonages toujours plus lâches consacrés par les schémas régionaux éoliens.
Les schémas adoptés dans les régions sont déjà marqués par le lobby éolien, et les quelques boucliers contre le mitage disparaîtront si l’article 15 est maintenu en l’état. En maintenant uniquement la démarche des installations classées pour la protection de l’environnement, on se borne à restreindre les autorisations et déclarations aux seules puissance et hauteur des mâts. Cette procédure n’offre aucune possibilité réelle d’associer les élus locaux et les populations, contrairement aux ZDE.
Quant à l’argument répété à l’envi selon lequel les communes pourront toujours s’opposer à l’implantation d’éoliennes en élaborant leurs PLU ou leurs SCOT, il atteint vite ses limites : la majorité des communes rurales n’ont pas de PLU et pourront se voir imposer par une majorité de communes des zonages de développement éolien dans le cadre des SCOT.
La procédure des ICPE applicable aux éoliennes de plus de cinquante mètres de hauteur ne permet pas davantage aux communes de s’opposer à une implantation, leur avis simple étant requis, et non leur avis conforme.
En outre, comme je l’ai déjà fait remarquer lors de l’examen précédent, les schémas régionaux se réfugient souvent derrière la procédure ZDE pour offrir des garanties de concertation que la suppression des ZDE fera disparaître de fait. Une révision complète serait donc indispensable pour les schémas régionaux déjà votés. C’était d’ailleurs en partie l’objet de l’amendement repris par la rapporteure du texte au Sénat, qui, dans sa grande sagesse, s’était sans doute inspirée des débats que notre assemblée avait tenus sur les articles 12 bis et 15.
La perspective de maintien en l’état de l’article 15 favorisera frustrations, conflits et contentieux sur un sujet déjà très sensible dans les territoires. Nous avons besoin de renouer avec un débat territorial serein lourdement menacé par la suppression des ZDE, que les députés du front de gauche continuent de regretter. C’est donc avec un souci d’apaisement que j’ai tenu à déposer à nouveau l’amendement consensuel adopté par le Sénat qui ouvre d’autres pistes que celle de la libéralisation aveugle.
Pour les députés du front de gauche, la maîtrise publique et sociale de la production, du transport et de la distribution d’énergie est la condition indépassable d’une transition énergétique rapide, socialement et écologiquement pertinente, vers un système énergétique le plus décarboné possible. Nous avons besoin d’un débat ouvert qui ne préempte pas les choix que les citoyens français doivent faire en toute connaissance de cause. Nous avons aussi besoin d’une véritable planification écologique et non d’une libéralisation accrue d’un secteur déterminant pour l’avenir de nos concitoyens et de l’écosystème humain.
Je le répète, les députés du front de gauche sont résolus à améliorer ce texte et réaffirment leur volonté d’adopter les mesures urgentes d’amélioration de l’égalité et de la justice sociale en matière d’accès à l’énergie de nos concitoyens. Nous refusons que des questions complexes et essentielles en matière énergétique soient d’ores et déjà entérinées à la va-vite, avant même de se fixer des objectifs concrets en lien avec le débat national sur la transition énergétique qui vient de s’engager !

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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