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Lect. définitive - Accords France-Panama sur les doubles impositions

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq. Monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, j’ai beaucoup hésité pour savoir si je devais reprendre mes deux premières interventions sur le sujet. Comme ce sont les mêmes collègues qui allaient de nouveau être présents, je me suis dit que je ne le ferais pas, j’ai eu pitié d’eux !
M. Patrice Martin-Lalande. Merci ! C’est Noël !
M. Jean-Paul Lecoq. Avant que je vote pour la troisième fois contre cette convention fiscale franco-panaméenne, permettez-moi donc de vous livrer quelques éléments puisés à d’autres sources.
Vous connaissez peut-être, monsieur le secrétaire d’État, le cabinet France Offshore. Si ce n’est pas le cas, je vais vous le présenter. C’est un cabinet privé parisien de conseil en création de sociétés offshore et internationales, situé dans le seizième arrondissement de Paris ; c’est vous dire les moyens dont il dispose.
Ce cabinet est doté d’un site internet délicieux qui affirmait, quelques semaines après la signature de la présente convention par la France, je cite : « L’intérêt de l’offshore au Panama se renforce. » Intéressant à l’heure où M. Sarkozy prétend en avoir fini avec les paradis fiscaux ! Ce constat est quelque peu contradictoire avec les discours des parlementaires de la majorité qui affirment, à l’Assemblée comme au Sénat, que le Panama est sur la voie de la transparence financière et de la vertu.
M. Jacques Remiller. Bien sûr ! C’est une évidence !
M. Jean-Paul Lecoq. Si vous le voulez bien, poursuivons la lecture de la passionnante note de France Offshore consacrée au Panama : « Le Panama a récemment obtenu une série d’évaluations positives de la part d’organisations internationales. La reconnaissance de ces organisations a permis au Panama de voir son intérêt en tant que juridiction offshore croître substantiellement ».
M. Jacques Myard. Vous voyez !
M. Jean-Paul Lecoq. « Les investissements offshore sont en hausse de 21 % comparés à la même période de l’an dernier. Tous les indicateurs économiques panaméens sont actuellement au vert. »
Ce cabinet privé explique très clairement que les récents satisfecit internationaux décernés au Panama lui permettent d’attirer encore plus de capitaux anonymes. Cela signifie que le vote de cette convention, qui permettra à ce paradis fiscal d’Amérique centrale de sortir de la liste grise de la France, après être sorti de celle de l’OCDE, va engendrer un nouvel afflux d’argent sale dans la lessiveuse !
Il nous faut prendre conscience du désastreux signal que le Parlement français enverrait s’il ratifiait cette convention.
M. Jacques Remiller. Mais non !
M. Jean-Paul Lecoq. Cela se traduirait par une accélération de la dérive de la finance internationale, car, en redorant son blason auprès des instances internationales, le Panama accroît, paradoxalement, son attrait comme plateforme de blanchiment. Une telle contradiction est symptomatique de l’irrationalité du système capitaliste. Sortir de la liste grise des États non coopératifs en matière fiscale, c’est s’assurer de devenir un véritable Éden de l’offshore. On marche sur la tête !
Revenons à notre cabinet privé, qui affirme haut et fort : « Le Panama est l’une des meilleures juridictions pour l’enregistrement offshore. La juridiction attire les investisseurs et les hommes d’affaires grâce à des taux d’impôt sur le revenu et sur les bénéfices égaux à 0 %. Elle présente également l’intérêt d’avoir un droit des affaires souple » – chacun voit ce que cela veut dire – « et des mesures de protection des actifs efficaces » – chacun voit ce que cela veut dire. On peut ajouter que son actuel président a créé une immense zone franche au bord du canal : chacun voit, encore une fois, ce que cela veut dire !
Les agences de notation décernent aujourd’hui des « triples A » en veux-tu en voilà à cet État peu scrupuleux. Depuis sa sortie des listes grises, il est considéré comme un bon élève ! On croit rêver, surtout quand on sait que c’est précisément la convention dont nous débattons qui a permis au Panama de sortir de la liste grise des États non coopératifs de l’OCDE. Cette organisation s’est appuyée sur la présente convention pour considérer que le Panama pouvait sortir de sa liste grise tandis que vous vous appuyez ici, pour défendre cette convention, sur le fait que l’OCDE a pris la décision de sortir le Panama de sa liste !
M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !
M. Jean-Paul Lecoq. C’est le serpent qui se mord la queue ou l’histoire de la poule et de l’œuf : qui est arrivé le premier ? C’est Lecoq qui vous pose la question ! (Sourires.)
Nous considérons que le Panama est toujours un paradis fiscal et nous le réaffirmons. Comme les débats au Sénat l’ont montré, ce pays n’a en réalité nullement renoncé à son système opaque. Comment le pourrait-il alors qu’il est, depuis des décennies, la base arrière financière des États-Unis, qui en font et défont les gouvernements ?
Chers collègues, personne n’est dupe au Panama, et les cabinets privés conseillent à leurs clients spéculateurs de domicilier leurs capitaux dans ce paradis fiscal. Chacun sait qu’aucun effort n’a été fourni en matière de lutte contre l’argent sale. Le gouvernement panaméen n’a pas accepté le moindre progrès concernant le secret bancaire et la traçabilité des fonds, je l’ai démontré dans mes interventions précédentes.
De plus, cette convention supprime la double imposition, comme si notre préoccupation actuelle devait être de réduire encore les rentrées fiscales. Ce n’est pas l’heure. Ce n’est pas le jour. Ce n’est pas l’année.
Dans un tel contexte, adopter cette convention reviendrait à donner quitus aux pratiques, pourtant loin d’être vertueuses, de l’actuelle administration panaméenne. Ce serait aussi donner une sorte de sauf-conduit aux multinationales qui profitent des largesses d’un État hors-la-loi. Le patronat français veut évidemment sa part du gâteau panaméen, et vous lui obéissez au pas de charge, monsieur le secrétaire d’État. Le gouvernement français est coupable d’une tolérance impressionnante…
M. Jean-Pierre Brard. Une complicité !
M. Jean-Paul Lecoq. …envers les filiales qui opèrent dans les paradis fiscaux ainsi qu’envers les fraudeurs du fisc. Il faut dire que ceux qui bénéficient de ces complicités font parfois partie des grands donateurs de l’UMP ! (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. Jacques Remiller. Ça n’a rien à voir !
M. Jean-Paul Lecoq. Il existe des solutions pour lutter véritablement contre les paradis fiscaux. Elles figurent dans le programme du Front de gauche, que je ne vous ai pas amené puisque vous en avez déjà eu une petite distribution cet après-midi, mes chers collègues.
M. Jacques Remiller. Quelle distribution ? De quoi parlez-vous ?
M. Jean-Paul Lecoq. Vous pourrez vous adresser aux huissiers pour en avoir un exemplaire, monsieur Remiller.
Nous proposons un blocage des échanges de capitaux avec les États non coopératifs, le placement sous contrôle social des banques privées qui ne respectent pas la lutte contre la spéculation et la financiarisation, des pouvoirs nouveaux pour les citoyens vis-à-vis des institutions bancaires car il y a urgence, et aussi la taxation des revenus financiers des entreprises. Vous le voyez : nous proposons d’en finir avec l’hypocrisie dont cette convention est le pur produit.
C’est pourquoi pour laquelle les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche voteront contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
M. Franck Gilard. Vous êtes très dur !
M. Jean-Pierre Brard. Nous sommes les incorruptibles, fils de Maximilien !
M. Jacques Myard. Attendez, je vais chercher la guillotine ! (Sourires.)

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Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)
Voir cette intervention sur le site de l'Assemblée Nationale

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