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Fonction publique : mobilité et parcours professionnels

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, ce projet de loi, que le Gouvernement décide de faire adopter en plein été après avoir déclaré l’urgence il y a un an et demi, est un autre aspect de la fronde menée depuis plusieurs années contre la fonction publique et les services publics.
Il s’inscrit en effet dans la logique – de ce point de vue, Georges Tron a raison – de toutes vos mesures pour mettre à mal des services publics : loi de démantèlement de l’hôpital public, projet de privatisation de La Poste, suppressions massives d’emplois dans la fonction publique, proposition de loi tendant à remplacer le recrutement par concours des fonctionnaires territoriaux par des contrats qui deviendraient la voie d’accès de droit commun aux emplois publics. Autant d’aspects de ce qu’on appellera la Régression générale des politiques publiques.
Contrairement à ce que son intitulé pourrait laisser entendre, ce projet de loi remet profondément en cause, les principes mêmes du statut général de la fonction publique.
Il constitue un très mauvais coup, une attaque frontale contre ce statut et contre les garanties qu’il représente pour tous les citoyens. Ce texte remet tout simplement en cause la conception française de la fonction publique qui repose sur celle du service public à la française, au cœur de notre pacte social et républicain, hérité de la Libération.
Nous avons dénoncé en première lecture les principales dispositions de ce projet de loi, soit les articles 6 à 10 ; elles sont édifiantes : banalisation du recrutement contractuel, développement de la possibilité de cumuler les postes à temps incomplet, recours à l’intérim légalisé, licenciements déguisés sous la forme de mises en disponibilité d’office ou en retraite, avec la création de la position nouvelle de réorientation professionnelle.
Toutes les organisations syndicales représentées au Conseil supérieur de la fonction publique ont clairement manifesté leur totale opposition à ces dispositions dangereuses. Je ne sais donc pas qui étaient les six autres organisations dont vous avez parlé tout à l’heure.
Nous avons relayé l’opposition syndicale dans cet hémicycle en demandant la suppression de ces dispositions et en détaillant leurs conséquences néfastes : accroissement de la précarité, contractualisation de la fonction publique, transformation de ses agents en variables d’ajustement, réduction des effectifs et développement du clientélisme.
Les perspectives sont très inquiétantes pour l’ensemble de la fonction publique. Ce projet de loi prévoit une avalanche de procédures prétendument de « réorientation » mais susceptibles dans la pratique d’aboutir très rapidement à une gigantesque vague de licenciements. Les victimes de ces procédures de « réorientation », c’est-à-dire de licenciement, risquent de ne pas pouvoir bénéficier de l’assurance chômage. Non seulement les administrations ne cotisent pas à cette fin pour les fonctionnaires, mais le licenciement de fait que constitue la mise en disponibilité sans traitement ne permettra pas à l’agent de se déclarer comme ayant été « involontairement privé d’emploi ».
Ce texte sera donc également une véritable machine à broyer l’indépendance de la fonction publique : tout agent qui « dérange » pourra être automatiquement mis en « réorientation ». Ce projet de loi est donc aussi une gigantesque machine à sanctions déguisées contre des garants de l’intérêt général.
Par ailleurs, je souhaiterais dénoncer le transfert aux associations de la mission d’accompagnement des élèves handicapés, inséré par un amendement gouvernemental de dernière minute, qui réécrit l’article 30 du projet de loi en fixant cependant comme condition un « accord entre l’inspecteur d’académie et la famille de l’élève ». Ce transfert est inquiétant, car si le financement devrait être, en principe, assuré par des subventions aux associations, il y a fort à craindre que le niveau des subventions fluctue d’une année à l’autre. Cette disposition ne peut donc nous satisfaire. Les élèves et leurs familles ont besoin du service public pour assurer cette mission de service public.
Le seul point satisfaisant est la suppression par la commission mixte paritaire de l’amendement sur la réforme de la juridiction administrative introduit par le Gouvernement. Nous avions largement dénoncé, au moment de l’explication de vote, cet amendement qui visait à faire passer par ordonnance au titre de l’article 38 de la Constitution, c’est-à-dire sans débat de fond au Parlement avant que les dispositions soient rédigées, des modifications dans le fonctionnement de la juridiction administrative portant pêle-mêle sur : le statut des magistrats des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel ; l’accession de ces magistrats au Conseil d’État ; la création au Conseil d’État d’une catégorie de membres temporaires ; l’accroissement de la possibilité de régler certains litiges – notamment ceux relatifs aux étrangers – par voie d’ordonnance juridictionnelle, cette fois, ces décisions de justice étant rendues par un magistrat statuant seul ; la réduction « à géométrie variable » du champ d’intervention du rapporteur public, ce magistrat chargé de présenter l’affaire en audience publique et de proposer une solution ; l’amélioration des pouvoirs d’instruction du juge administratif dans la mise en état des affaires ; la rénovation du référé fiscal. La plupart des dispositions de l’amendement étaient étrangères à l’objet du projet de loi, et relevaient de la catégorie des « cavaliers législatifs » que le Conseil constitutionnel censure. Il l’a fait et il faut se féliciter de cette suppression que nous appelions de nos vœux.
Pour conclure, sous couvert de mobilité, les fonctionnaires sont incités à quitter la fonction publique et à intégrer le secteur privé. L’objectif visé est en réalité de démanteler la fonction publique. C’est pourquoi les députés du groupe GDR voteront résolument contre ce texte de régression sociale.

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Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)
Voir cette intervention sur le site de l'Assemblée Nationale

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