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Dérapage du coût de la couverture santé des étrangers en situation irrégulière et des demandeurs d’asile

C’est une petite musique qui revient au gré des élections, des congrès, des moments de lâcheté ou des faits divers : les étrangers seraient à l’origine de tous les maux de notre société. Pour cela, rien de mieux que des arguments infondés au simplisme abyssal, qui font un lien direct entre immigration et délinquance – voire terrorisme – ou qui imputent la fragilisation de nos services publics à de prétendus profiteurs étrangers, ciblant même les retraités étrangers qui ont eu une vie de labeur.

Tout est bon pour stigmatiser davantage, le tout fondé sur des mensonges que toutes les études statistiques sérieuses démontent.

Non seulement cette petite musique fait du mal à des gens, mais elle fracture aussi notre société un peu plus chaque jour. Pourtant, il faut le répéter, cette restriction des droits des étrangers, des plus vulnérables, ne profitera en aucune manière aux Français. Mais je vois bien qu’il est plus facile de désigner les plus vulnérables, en l’occurrence les étrangers, que d’aller chercher l’argent dans la poche des super-profiteurs de crise ou de ceux qui pratiquent l’évasion fiscale.

Puisqu’il faut le répéter, je vais le refaire ici, comme tentent de le faire de nombreux chercheurs : non, nous n’assistons pas à une submersion migratoire, d’ailleurs le solde migratoire est stable dans notre pays.
Les régularisations, même massives, et les sauvetages en mer n’ont jamais provoqué d’appel d’air. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Le grand remplacement de la population française est un mythe raciste, infondé et dangereux. (MM. Benjamin Lucas et Benoit Mournet applaudissent.)

En revanche, nous assistons à un grand renversement des normes où l’accueil et l’humanité, plutôt que d’être soutenus, sont criminalisés. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Selon le rapport annuel de l’Observatoire de l’accès aux droits et aux soins pour l’année 2015 de Médecins du monde, la migration pour soins est un mythe, rien ne prouve l’existence de filières de soins.

En réalité, tout est bon pour s’exempter des conséquences de l’affaissement des services publics. La droite, qui y est pour beaucoup, préfère pointer les étrangers, quitte à mentir éhontément (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES), comme le fait la rapporteure spéciale qui utilise l’argument fallacieux d’une « exception européenne » pour justifier cette restriction du champ de l’AME.

Or celle-ci est déjà restrictive. Dans les faits, c’est un dispositif complexe et défectueux au regard de l’objectif de santé publique qu’il se fixe : 64 % des personnes interrogées dans le cadre d’une enquête interassociative ont rencontré des difficultés pour se faire soigner et sept sur dix ont finalement renoncé. Une enquête du ministère de l’intérieur a même estimé à 51 % le taux de non-recours des personnes éligibles à l’AME.

En outre, cette proposition de résolution pousse l’absurde jusqu’au cruel en contrôlant davantage les procédures de greffes d’organes, afin de déterminer si la part des étrangers bénéficiant d’une greffe en France fait peser des tensions sur le système. Vous utilisez cet argument sachant que cette part est infime.

Cette proposition de résolution vise également à restreindre les conditions d’accès à la procédure d’admission au séjour pour soins à une résidence de deux ans, à un pronostic vital engagé à court terme, et à exclure les titulaires d’un titre de résidence. Cette proposition est dangereuse. En Espagne, la restriction de la couverture santé aux urgences avait provoqué une hausse de la mortalité des personnes migrantes de 15 %. Voyez la responsabilité que vous prenez en faisant voter ce type de proposition ! (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

Ainsi, à l’encontre de toutes les études sérieuses, vous proposez cette proposition de résolution est à la fois inefficace et dangereuse. (Mêmes mouvements.) D’abord, elle est dangereuse moralement (Mme Caroline Fiat applaudit) : laisser un être humain malade sans soin relève pourtant du droit humanitaire le plus basique.

Ensuite, elle est dangereuse socialement : c’est une mesure contraire au principe de non-discrimination inhérent au droit à la santé.

Enfin, elle est dangereuse d’un point de vue sanitaire : puisque l’argument humaniste peine à vous convaincre, peut-être serez-vous plus sensibles à l’argument selon lequel l’AME protège l’ensemble des membres de la société. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – MM. Benjamin Lucas et Benoit Mournet applaudissent également.)

J’en profite pour rappeler à celles et ceux qui pourraient être attirés par cette logique du bouc émissaire, y compris à l’extérieur de nos murs, que l’affaiblissement des droits des plus vulnérables n’a jamais fait augmenter les droits de tous. Au contraire, une société qui protège les plus vulnérables est une société beaucoup plus disposée à protéger les droits de tous ses concitoyens.

En conclusion, je souhaite rappeler que les membres de la majorité avaient voté contre cette proposition de résolution en 2021. Seront-ils au diapason du ministre Darmanin lançant un « chiche travaillons ensemble » à cette droite qui copie-colle le programme du RN ? Ou seront-ils au rendez-vous de ce grand défi qu’est cette crise de l’accueil ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

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Elsa
Faucillon

Députée des Hauts-de-Seine (1ère circonscription)

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