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Discussions générales

Déclaration du gouvernement, suivie d’un débat

Lors de sa réélection en avril 2022 face au Rassemblement national, le président Macron avait déclaré : « Ce vote m’oblige pour les années à venir ».

Depuis, cet engagement n’a trouvé d’écho ni dans sa politique ni dans sa pratique du pouvoir. Les élections législatives avaient pourtant confirmé la nécessité, pour le camp présidentiel privé de majorité absolue, de gouverner autrement et de rééquilibrer les pouvoirs. Le mandat de Mme Borne s’est au contraire inscrit dans la continuité d’habitudes brutales, avec en guise de « pratiques nouvelles » vingt-trois 49.3. Et s’il fallait attribuer une palme en la matière, elle serait décernée au 49.3 qui s’est abattu sur le texte relatif à la réforme des retraites malgré l’opposition de 80 % des Français et de la majorité de l’hémicycle. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES. – Mme Raquel Garrido applaudit également.)

Violence institutionnelle et reniement des engagements : tel est le résumé de ce début de quinquennat, lequel a culminé en donnant à l’extrême droite une victoire idéologique majeure (Mêmes mouvements), en cédant toute honte bue aux fantasmes, par l’adoption d’un texte sur l’immigration contraire à la loi fondamentale, qui crée un appel d’air pour le racisme tout en fragilisant notre État de droit. Certes, plus d’une trentaine de mesures ont été censurées par le Conseil constitutionnel, mais l’irréparable avait été commis laissant derrière lui blessures et autres conséquences. (Mêmes mouvements.) Monsieur le nouveau Premier ministre, non seulement vous êtes comptable de ce triste bilan, mais vous avez été désigné comme commissaire politique par le Président de la République (Protestations sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR) pour poursuivre l’œuvre entamée.

(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES.)

Il vous a rappelé le 16 janvier que le détenteur suprême du pouvoir exécutif, c’est lui ! Vous venez de le confirmer : avec votre gouvernement mondain et de l’entre-soi (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES), vous servirez sa politique, elle-même au service des riches et creusant toujours davantage les inégalités, sans jamais douter, avec fierté, dites-vous – en réalité avec arrogance.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR-NUPES.)

C’est cette feuille de route qui vous a été confiée, et la vacance de tant de ministères atteste la quintessence idéologique de ce projet politique. Alors que l’hôpital public se meurt et que le non-accès aux soins est généralisé, laissant pas moins de 6,7 millions de personnes sans médecin traitant, ce gouvernement ne compte pas de ministre de la santé de plein exercice.

Alors que le nombre de travailleurs pauvres et d’emplois précaires explose, que les réformes récentes et à venir menacent l’existence même d’un droit à l’assurance chômage, ce gouvernement ne compte pas de ministre du travail de plein exercice. Alors que la France traverse une crise du logement d’une ampleur inédite, que le nombre de personnes sans domicile a doublé en dix ans, que 3 000 enfants dorment dans la rue, que 18 % de la population vit dans un logement insalubre, ce gouvernement ne compte toujours pas de ministre du logement. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES.)

Alors qu’outre-mer le taux de chômage est deux à quatre fois plus élevé que dans l’Hexagone, que s’y nourrir coûte 30 à 42 % plus cher, que s’y trouvent les plus grands déserts médicaux et que le scandale d’État du chlordécone attend la réponse de votre gouvernement, il n’y a toujours pas de portefeuille dédié à ces territoires. (Mêmes mouvements. – M. Philippe Naillet applaudit également.)

Alors que notre pays a besoin de mesures radicales pour développer le transport ferroviaire et les transports en commun à la hauteur des besoins, dans l’urgence de la transition écologique, ce gouvernement ne compte pas de ministre des transports.
Alors que l’école publique connaît une crise sans précédent, que près de 10 000 enseignants ont disparu depuis 2017, que la France poursuit sa chute vertigineuse dans le classement Pisa – Programme international pour le suivi des acquis des élèves –, il n’y a pas de ministre de plein exercice pour l’éducation nationale. Pire, le jour même de sa nomination, la ministre chargée de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des Jeux olympiques et paralympiques, vantait la ségrégation scolaire et le tri social, humiliant au passage les enseignants du publc. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES.)

Votre message est clair : le règne de l’héritocratie est désormais assumé et le triomphe de l’oligarchie assuré. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES. – Mme Raquel Garrido applaudit également.) Alors que les guerres bouleversent l’ordre du monde et que l’urgence est à l’action pour la paix, nous constatons la mise sous tutelle d’un ministre des affaires étrangères qui avance pour seul atout, en vue de réussir une tâche ô combien difficile et essentielle au rayonnement de la France, d’avoir grandi à l’étranger.

Où sont vos propositions pour réparer notre République abîmée, apaiser notre pays déchiré, pour répondre à la souffrance de la majeure partie du peuple maltraitée ? Face au désespoir des agriculteurs, vous avez fait le pari du coup de com’ sur un ballot de paille, mais vos annonces n’ont pas plus convaincu vendredi qu’aujourd’hui. Et pour cause : aucune mesure sérieuse afin de remédier dans la durée à la situation catastrophique qu’ils affrontent ; rien de concret pour lutter contre les distorsions de concurrence nourries par l’importation massive de produits non conformes à nos normes sociales ou sanitaires ; rien concernant les effets des traités de libre-échange déjà signés – vous vous contentez d’un vague engagement à propos du Mercosur, ignorant les autres négociations en cours ; rien sur les revenus des agriculteurs, les prix planchers ou la révision en profondeur du cadre des négociations commerciales. Je vous le dis : on ne dupe pas impunément ceux qui ne veulent pas mourir pour pouvoir nourrir. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

Vous ne duperez pas non plus la majorité des Françaises et des Français, qui ne se laisseront pas impressionner par une litanie de mesurettes à court terme alors qu’ils attendent des réformes de fond porteuses de progrès social. Face à une inflation qui atteint 20 % en cumulé sur les deux dernières années – les denrées alimentaires et l’énergie subissant des pics encore plus importants –, face à la smicardisation de la France, face à la paupérisation des travailleurs, vous ne proposez rien pour revoir de fond en comble notre système fiscal et garantir une meilleure répartition des richesses et de la valeur : rien pour réduire les écarts de revenus, rien non plus pour pénaliser la rente financière et améliorer significativement le niveau de vie de l’immense majorité de nos concitoyens.

Bien au contraire, vous annoncez poursuivre la casse minutieuse de notre modèle social. Vous entendez « laisser respirer » les entreprises en supprimant des normes et étouffer les chômeurs en supprimant des droits. Vous avez d’ailleurs oublié, comme par hasard, de mentionner l’augmentation à venir des prix de l’électricité et du montant des franchises médicales. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES. – Mme Raquel Garrido applaudit également.) Je vous le demande solennellement : renoncez à ces augmentations.

Face au drame qui se déroule en Palestine, alors que la CIJ a reconnu le risque d’un génocide dans la bande de Gaza, la France, comme vous-même, reste désespérément silencieuse et complaisante à l’égard du gouvernement israélien. Ignorant le rôle que notre pays pourrait jouer dans cette région pour retrouver de sa grandeur passée, vous persistez dans votre refus de reconnaître l’État palestinien et d’appeler à un cessez-le-feu permanent, mais vous vous précipitez pour suspendre les aides à l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (Unrwa). (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Le fameux « deux poids, deux mesures » est devenu la ligne de conduite de la diplomatie française.

Enfin, vous assurez vouloir être respectueux de la représentation nationale. Mais n’est-ce pas vous, monsieur le Premier ministre, qui le 4 mai dernier, de concert avec votre ministre de tutelle d’alors, M. Le Maire, inventiez l’obstruction gouvernementale afin d’empêcher l’adoption de notre proposition de loi visant à indexer la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l’inflation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

L’hypertrophie présidentielle, associée à la servitude de l’exécutif et à votre pratique de la démocratie parlementaire, ne nous laisse que peu d’espoir. Votre refus de soumettre votre déclaration de politique générale au vote de la représentation nationale anéantit à lui seul (Mme Raquel Garrido applaudit) tous vos efforts en vue de convaincre des atouts que vous retireriez de votre jeunesse pour diriger ce gouvernement. Vous en avez la fougue, mais il vous manque l’essentiel : le courage et le panache ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES. – M. Boris Vallaud applaudit également.)
Quant à nous, députés du groupe GDR, communistes et progressistes des territoires dits d’outre-mer, nous resterons fidèles aux engagements que nous avons pris devant les Français. Dans le combat entre l’ombre et la lumière, nous nous opposerons au sabotage méthodique des valeurs qui ont fait la grandeur de notre pays et de notre République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Nous resterons fidèles à notre pratique parlementaire, travaillant sans relâche, ici et dans nos circonscriptions, pour être au plus près des besoins et des préoccupations de celles et ceux qui souffrent. Nous déploierons toute notre énergie pour réparer notre nation parce que nous sommes, pour reprendre les mots d’Aimé Césaire, « du côté de l’espérance, mais d’une espérance conquise, lucide, hors de toute naïveté ». C’est ce refus de la naïveté qui nous fera conclure : Thatcher, sortez du corps de notre Premier ministre ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe RE.) Parce que, comme le dit le poète, quand on est réac, on est réac ! (Les députés du groupe GDR-NUPES se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES, dont quelques membres se lèvent.)

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