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Débat sur les dispositifs d’efficacité énergétique et de maîtrise de la demande dans le bâtiment

Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Mesdames les ministres, mes chers collègues, l’amélioration de l’efficacité et de la sobriété énergétiques du secteur résidentiel est un volet déterminant de la transition énergétique que nous voulons engager. La consommation énergétique du secteur résidentiel et tertiaire représente plus de 40 % de la consommation d’énergie finale en France et contribue à hauteur de 18 % aux émissions nationales de gaz à effet de serre.
Notre volonté en matière d’isolation des bâtiments et de réduction de la consommation moyenne d’énergie des logements ne doit souffrir d’aucun retard et doit s’adapter à la réalité. Ce n’est un secret pour personne : dans le secteur du bâtiment comme ailleurs, il y a la règle et la réalité des faits.
Depuis la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments de 2002, le législateur a progressivement renforcé les mesures visant à améliorer la performance énergétique des bâtiments, en obligeant notamment le propriétaire, suite au Grenelle 2, à tenir à la disposition de tout candidat acquéreur ou locataire un diagnostic de performance énergétique.
En raison des très nombreuses critiques à l’encontre des DPE et des diagnostiqueurs, plusieurs arrêtés ont renforcé les compétences nécessaires à l’ensemble des entreprises réalisant des DPE et ont revu les méthodes de calcul. Mais force est de constater que ces DPE sont toujours effectués dans une certaine impunité. Concrètement, il n’est pas rare – pour ne pas dire qu’il est fréquent – de voir des diagnostiqueurs réaliser leur travail en moins d’une heure, sans vérification des dires des vendeurs, voire par simple contact téléphonique sans déplacement sur le terrain. Je pense en particulier au contrôle des isolants, notamment dans les combles.
Nous avons besoin d’adapter la pratique aux objectifs ambitieux de la transition énergétique. Pour nous prémunir de telles dérives, il devient indispensable de nous doter d’un véritable système public de contrôle inopiné de ces entreprises ou de ces personnes physiques.
Madame la ministre, ma question est donc simple : au-delà de la multiplication des décrets et des arrêtés, quels engagements comptez-vous prendre pour donner à la puissance publique de véritables moyens humains de contrôle dans ce domaine déterminant pour la réalisation de nos objectifs ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.
Mme Cécile Duflot, ministre. La question du diagnostic de performance énergétique est un sujet absolument majeur. En effet, si l’on prend en considération la nécessité des améliorations voire, à terme, des obligations en matière de performance énergétique que j’ai évoquées tout à l’heure, une grande solidité du diagnostic est indispensable. Aujourd’hui, le DPE est un document d’information et de sensibilisation. Il doit être fiabilisé, afin de devenir un document de référence et servir de point d’appui pour les travaux.
Je tiens à vous dire qu’un diagnostiqueur qui exercerait mal son travail engage aujourd’hui sa responsabilité délictuelle : nous n’évoluons donc pas dans un univers totalement déréglementé. Le diagnostiqueur dispose aujourd’hui des outils lui permettant d’évaluer l’ensemble des matériaux d’isolation : il est donc effectivement indispensable que cette connaissance professionnelle progresse. La formation initiale est une vraie question, car nous manquons en France de thermiciens et de professionnels suffisamment formés. Le plan de formation aujourd’hui mis en œuvre dans l’ensemble du secteur du bâtiment devra continuer de se développer et prendre en compte le diagnostic, en particulier sur la performance énergétique.
Cependant, malgré tous ces reproches, le diagnostic de performance énergétique a suscité une prise de conscience des différences de consommation et de performance énergétiques dans les divers lieux d’habitat, qui n’existait absolument pas avant la mise en place de ce dispositif.
Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour une seconde question.
M. André Chassaigne. Mesdames les ministres, je l’ai déjà dit : le bâtiment est à l’origine d’environ 40 % de la consommation d’énergie finale dans notre pays. L’effort concerne les 400 000 nouveaux bâtiments construits chaque année – c’est, du moins, ce que nous espérons – qui doivent devenir particulièrement performants : l’objectif à atteindre est une consommation annuelle de 50 kilowattheures par mètre carré. Mais l’effort concerne aussi – et surtout – le parc ancien, d’une taille cent fois plus importante, qui nécessite une rénovation de grande ampleur puisque la consommation moyenne de ces bâtiments est actuellement au moins six à sept fois supérieure à celle des bâtiments neufs.
Un instrument juridique sert de support à l’immense effort d’adaptation indispensable : il s’agit de la dernière version de la réglementation thermique, dite RT 2012, entrée en vigueur le 1er janvier 2013.
Depuis 2005 et jusqu’en 2015, la France a notamment fait le choix du crédit d’impôt développement durable pour inciter les consommateurs à s’équiper d’appareils de production de chaleur performants ou à rechercher une meilleure isolation des bâtiments. Les taux de crédit d’impôt varient en fonction des équipements, mais il n’est en aucun cas tenu compte de l’origine de ceux-ci. Ainsi, nous venons de subventionner pendant plusieurs années des pompes à chaleur air/eau à un taux de crédit d’impôt de 23 %, dont l’immense majorité étaient fabriquées en Chine, et nous faisons de même avec les chauffe-eau thermodynamiques aujourd’hui.
M. Laurent Furst. Eh oui !
M. André Chassaigne. Ma première question est donc simple et j’aurais pu la poser en d’autres lieux au ministre du redressement productif : pensez-vous qu’il soit envisageable de revoir les conditions de bénéfice du crédit d’impôt afin de favoriser les excellents équipements produits en France ou en Europe ?
Par ailleurs, plusieurs entreprises françaises dont les produits innovants ont fait la preuve de leur performance in situ se heurtent à des obstacles d’ordre administratif pour les faire homologuer, notamment parce que les tests techniques imposés sont réalisés sur banc, hors de toute situation réelle.
C’est le cas dans le secteur des isolants : plusieurs parlementaires ont recensé des plaintes émanant d’entreprises promouvant des matériaux biosourcés – chanvre, ouate de cellulose – ou des films multicouches. Des échos font état d’obstacles similaires pour d’autres produits innovants, comme des pompes à chaleur ou des systèmes de ventilation.
Je viens de demander aujourd’hui par courrier au président du Bureau de l’Assemblée nationale de saisir l’OPECST, afin qu’il mobilise ses moyens d’expertise scientifique et dresse un bilan de la situation. Ainsi le Parlement serait-il éclairé sur les éventuelles réformes à entreprendre pour retrouver le chemin de réelles économies d’énergie dans le bâtiment. Je souhaitais donc également savoir si vous comptez, mesdames les ministres, aider à lever ces blocages.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Mme Delphine Batho, ministre. Votre question illustre un concept que j’ai mis en avant, le patriotisme écologique. Celui-ci doit nous permettre de revisiter toute une série de dispositifs, comme par exemple les mécanismes de soutien aux énergies renouvelables : chaque euro dépensé dans le développement des énergies renouvelables doit se traduire par le développement de filières industrielles et par des créations d’emplois.
Vos remarques sur le dispositif du CIDD doivent absolument être prises en compte. Il faut rechercher les bonnes réponses à apporter, les mécanismes aptes à orienter les travaux d’efficacité énergétique, notamment en faisant appel à des critères de qualité. Il convient aussi de sensibiliser les entreprises sur leurs achats de fournitures et d’équipements. Vous avez raison de dire qu’il faut effectuer dans ce domaine un travail très important.
Le déploiement du projet du compteur intelligent « linky » s’appuie sur une démarche similaire, prenant en compte les matériaux qui entrent dans sa composition. Depuis sa conception par le précédent gouvernement, l’évolution du projet est notable.
Je vous rejoins aussi sur les observations que vous avez faites sur les matériaux biosourcés. Nous avons évoqué le sujet la semaine dernière avec Cécile Duflot, car nous avons eu écho d’un certain nombre de difficultés et de blocages. Ayant des attaches avec un département, les Deux-Sèvres, où se trouvent des cultures de chanvre – un matériau tout à fait exceptionnel pour l’isolation des maisons – je connais la problématique.
J’ai eu l’occasion aussi d’en parler avec d’autres parlementaires, membres de l’OPECST : si l’Assemblée nationale décidait d’engager des travaux sur cette question, cela contribuerait certainement à faire avancer les choses dans la bonne direction.

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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