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Débat sur l’avenir des projets d’infrastructures de transport

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Je n’ai pas voulu faire ce soir une intervention déclarative – j’aurai d’autres occasions. Je ne suis pas venu avec un caddie, comme dans un supermarché, pour tendre le bras en essayant d’agripper quelques investissements pour les infrastructures de transport d’Auvergne – et il y en a beaucoup. Je me limiterai plutôt à quelques observations.
Tout d’abord, comme pourraient le dire, je pense, les six parlementaires de sensibilités diverses qui y siègent, la volonté de la commission Mobilité 21 est d’étudier les projets des grandes infrastructures de transport avec objectivité. Nous voulons vraiment tenir compte de critères objectifs, auxquels nous avons réfléchi pendant plusieurs semaines et qui ont été rapidement rappelés par le ministre, afin d’établir une hiérarchisation qui ne s’appuie pas sur le clientélisme ou l’implication territoriale de chaque membre de la commission. Nous menons une analyse que je qualifie souvent d’éthique. J’insiste vraiment sur cette dimension, en pensant aux réactions que suscitera le travail que nous rendrons.
M. Martial Saddier. Nous ne demandons qu’à vous croire !
M. André Chassaigne. Cela étant dit, monsieur le ministre, si l’on veut vraiment que le travail que vous nous avez confié soit conduit en toute objectivité, il ne faut pas nous sortir du chapeau au dernier moment de nouveaux éléments. Permettez-moi de glisser ce message. Ainsi, on nous assure que, grâce à l’ERTMS, le nouveau projet de signalisation, les rames pourront accélérer et qu’on en aura quinze ou seize par heure au lieu de douze ou treize, ce qui permet de repousser, de façon assez artificielle, la saturation de certains sillons. Ou encore, on nous annonce qu’il y aura une évolution technique, qu’on pourra ajouter un wagon…
Pour que nous puissions travailler avec une approche que je qualifierai d’éthique, il faut une totale transparence, une totale objectivité. On ne doit pas nous sortir au dernier moment de nouvelles hypothèses du chapeau. Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage ! Ainsi, le coût d’un projet fait tout à coup un bond terrible et l’on nous dit qu’il est trop cher, qu’il ne peut être retenu… Il est important que nous puissions examiner dans la transparence et l’objectivité les différents projets qui nous sont soumis.
Il est bien évident qu’il y aura ensuite des choix politiques à faire, qui relèveront du Gouvernement, en particulier des choix de financement. Resterons-nous enfermés dans le carcan de l’austérité du pacte de stabilité européen, qui nous empêche de financer le transport dans notre pays ? Instaurera-t-on suffisamment de taxes – je pense en particulier à la taxe transport ? À quel niveau ? Combien vont-elles rapporter, à quoi ces sommes seront-elles consacrées ? Pourra-t-on s’attaquer aux surprofits réalisés par les sociétés d’autoroute, à quel niveau, que fera-t-on de l’argent ? Pourra-t-on étendre le versement transport afin, notamment, que les régions ayant des charges de transport ferroviaire aient des moyens supplémentaires ? Au niveau européen, va-t-on se limiter aux projets de la Commission, bien insuffisants pour se donner les moyens de développer un réseau qui irrigue le territoire européen ?
J’en profite d’ailleurs pour dire à nos collègues de droite que la majorité précédente n’a pas fait inscrire de projets d’importance. Nous sommes allés le vérifier à Bruxelles : nous avons découvert que certains projets considérés comme ayant un très grand intérêt n’apparaissaient pas sur la carte européenne, tout simplement parce que la demande n’avait pas été faite.
Il y aura donc de grandes décisions à prendre en termes de financement.
Par ailleurs, il est indispensable de ne pas déconnecter la question des transports de l’acte III de la décentralisation. En effet, si d’un côté, l’on nous dit qu’il est impossible de réaliser des lignes à grande vitesse qui avaient été prévues, et si d’un autre côté l’acte III, en définissant des trains d’équilibre du territoire, limite considérablement le nombre de ceux qui sont de la responsabilité de l’État et en transfère aux régions, nous aurons un vrai problème. Dans la nouvelle définition, un train d’équilibre du territoire assure un service entre des villes de plus de 100 000 habitants situées dans deux régions différentes non contiguës. Cela voudrait dire clairement que l’on supprimerait environ 230 trains par jour – que l’on en maintiendrait 100 sur 330 ! Une telle définition aurait de graves conséquences, monsieur le ministre.
Un autre point que je souhaitais aborder, c’est votre volonté de mettre en place un véritable service public des transports. Les réformes que vous engagez, en particulier dans le domaine ferroviaire, permettront-elles d’avancer vers un service public national, mutualisé, solidaire pour les différents transports ? Car il faut s’intéresser aux autres modes de transport, ce qui implique, lorsque nous parlons de schéma de mobilité durable, de tout prendre en compte, comme, par exemple, les conséquences du transport routier sur les émissions de gaz à effet de serre et le réchauffement climatique ; si l’on veut comparer ce qui est comparable, il faut intégrer dans le coût du transport routier des externalités négatives, qui sont ignorées aujourd’hui. Non seulement on fait supporter au ferroviaire des charges importantes, mais on justifie le développement du transport routier en occultant complètement ses conséquences sur l’avenir de la planète, en termes de réchauffement climatique en particulier.
Voilà, monsieur le ministre, les quelques questions que je souhaitais vous poser. Je suis persuadé que vous nous apporterez des réponses claires et précises. Et je répète le message : pour que la commission Mobilité 21 puisse travailler dans l’objectivité, il ne faut pas que des missi dominici de votre ministère sortent au dernier moment de leur chapeau des considérations qui n’ont jamais été exprimées dans les débats publics, qui n’ont jamais été portées par les collectivités territoriales et qui paraissent en complet décalage avec la connaissance que nous pouvons avoir des dossiers.

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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