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Discussions générales

Améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels

Après avoir examiné en janvier une proposition de loi issue du groupe Renaissance et visant à lutter contre la désertification médicale « par la confiance aux professionnels de santé », il nous faut renouveler l’exercice en en appelant à « l’engagement territorial des professionnels ». Félicitons-nous tout d’abord que le texte soit brillamment passé sous les fourches caudines de l’article 40 de la Constitution, alors qu’il crée de nouvelles charges. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES. – M. Pierre Dharréville applaudit également.)

Mais peut-être y a-t-il désormais des sujets dont nous sommes autorisés à débattre, comme l’accès aux soins, et d’autres qui nous sont interdits, comme les retraites, la ligne qui sépare les deux catégories étant tracée par le Gouvernement.

Dans l’hémicycle se tiennent désormais des débats à géométrie variable, signe d’une démocratie parlementaire en souffrance et en sursis : disant cela, j’en suis déjà arrivé au cœur du sujet qui nous réunit, puisque la proposition de loi vise notamment à substituer au concept de territoire de démocratie sanitaire celui de territoire de santé. Ce choix n’est pas anodin. La démocratie sanitaire a sans aucun doute rencontré ces dernières années de nombreux écueils : est-ce suffisant pour la raturer du code de la santé publique ? Puisqu’il s’agit de s’appuyer sur l’engagement des professionnels de santé, notre ambition ne devrait-elle pas plutôt résider dans le fait d’identifier et de surmonter ce qui fait obstacle à cette démocratie sanitaire ?

Renforcement des conseils territoriaux de santé, où seraient désormais représentées les tutelles financières ; obligation d’adhérer aux communautés professionnelles territoriales de santé ; possibilité de modifier la délimitation des territoires de santé selon des règles non précisées, et dont on ignore à ce stade si elles seront les mêmes pour tous ; volonté d’attiser la rivalité entre les groupements hospitaliers de territoire, en permettant à certains de devenir des superpuissances administratives : aucune de ces dispositions ne va dans le sens de la démocratie sanitaire. Aussi n’est-il pas certain que le système de santé en sera moins suradministré et favorisera davantage les coopérations entre professionnels. Plutôt que la simplification promise, ces mesures ne risquent-elles pas d’aboutir à une dérégulation qui aggraverait les déséquilibres ? Cette réorganisation locale aura-t-elle un effet bénéfique pour les patients ? Obtiendront-ils plus vite un rendez-vous ? La coordination de leur parcours de soins s’en trouvera-t-elle renforcée ?

Enfin, la décisive question des moyens nécessaires à une meilleure organisation locale de la santé n’est évoquée nulle part au sein du texte, alors qu’il est impossible de l’ignorer – s’agissant par exemple de rétablir une permanence obligatoire, puisque les professionnels ne suffisent plus à répondre à la demande. Plus généralement, ce n’est pas en cherchant à améliorer l’organisation territoriale sans discuter d’une meilleure répartition des praticiens, d’un conventionnement sélectif suivant la zone d’installation, de mesures plus contraignantes, visant non seulement à permettre mais à garantir un accès aux soins, que l’on règlera le problème d’un désert médical qui représente désormais 87 % du territoire. L’urgence est telle qu’il convient d’agir plus profondément, de repenser le système de santé, depuis l’accès à la formation jusqu’au renforcement de l’hôpital public.

Bien sûr, le texte comporte quelques dispositions utiles ; celles-ci restent malheureusement souvent à mi-chemin, comme la possibilité pour les étudiants en santé de signer un CESP, mais seulement à l’issue de la deuxième année de leur premier cycle. Certes, l’examen en commission a permis de l’enrichir de quelques dispositions transpartisanes, comme l’instauration d’un préavis pour les professionnels quittant leurs fonctions.

Aussi, sans négliger ce contenu, je renouvelle mes réserves sur le fond. L’état de notre système de santé est tel, partout dans le pays, que les députés communistes et ultramarins du groupe GDR attendaient de vous, monsieur le ministre, un projet de loi, un véritable plan Marshall d’accès aux soins, inspiré par un regard lucide et comprenant des mesures fortes en vue de soigner nos concitoyens, de garantir partout et à tous un accès aux soins, de revaloriser la formation, le salaire, la reconnaissance des personnels soignants.

Au lieu de cela, vous faites mine de vous en préoccuper, vous effleurez les problèmes, quand vous ne regardez pas ailleurs – à croire que vous n’avez pas conscience de la situation. Dans la première circonscription de l’Allier, où j’ai été élu, plus de 8 000 personnes de plus de 16 ans n’ont pas de médecin traitant. Ce texte répondra-t-il plus que les précédents à leur désespérance ? Je ne le crois pas, et c’est fort regrettable pour nos concitoyens, pour les professionnels de santé, pour ceux auxquels le Gouvernement demande sans cesse confiance et engagement, cependant qu’il est de plus en plus manifeste que lui-même se désengage, ignore, voire méprise la situation en matière d’accès aux soins. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

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Yannick
Monnet

Député de l' Allier (1ère circonscription)

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