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Accord France Luxembourg renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers

La coopération transfrontalière entre le Luxembourg et la France est une question pour le moins intéressante : je la développerai sous l’angle de la gratuité des transports. En 2020, le Luxembourg fut le premier pays au monde à rendre les transports publics gratuits sur l’ensemble de son territoire : il entendait ainsi transformer les habitudes de ses citoyens, trop enclins à se déplacer en voiture individuelle. Cette gratuité concerne les bus, les tramways et les trains. Elle est doublée de nombreuses politiques publiques visant à améliorer la qualité des transports en commun, leur ponctualité et leur fréquence, tout en travaillant sur les autres modes de déplacement doux. Plutôt que de gratuité des transports, il est plus pertinent de parler de fiscalisation du prix du billet : le coût de ce dernier est intégré dans les impôts, une participation étant demandée aux contribuables et aux entreprises en fonction de leurs revenus. En un mot, on passe du « chacun selon ses moyens » au « chacun selon ses besoins », pour citer un certain Karl Marx.

Après trois années de fonctionnement au Luxembourg, le bilan de la gratuité est excellent : pour un coût annuel de 41 millions d’euros, le nombre de voyageurs est passé de 110 millions en 2019 à 150 millions, la qualité de l’air s’est améliorée et les embouteillages ont diminué. La décennie qui s’ouvre constituera peut-être un tournant dans les habitudes des personnes qui se déplacent au Luxembourg. Notez que celui-ci offre la gratuité des transports y compris à ceux qui ne paient pas leurs impôts dans le pays, dont les 200 000 travailleurs transfrontaliers belges, allemands et français.

Cette initiative doit être valorisée. L’Observatoire des villes du transport gratuit, – implanté à Dunkerque, dans le Nord-Pas-de-Calais – constate en France une tendance forte visant la gratuité totale ou partielle. Parmi les villes pionnières, Aubagne – qui était, à l’époque, communiste – a instauré la gratuité totale des transports dès 2009. Avec d’autres, elle a servi de laboratoire pour améliorer ces services et en mesurer les effets sociaux et environnementaux, les avantages et les inconvénients : trente-huit territoires appliquent aujourd’hui la gratuité totale en France ; trente-neuf la proposent à la majorité des usagers ; dix la réservent aux jeunes ; et huit l’appliquent le week-end. La tendance est donc forte.

Il est regrettable que la question de la gratuité n’apparaisse pas une seule fois dans le rapport de la commission, et pas davantage dans l’avenant. Il serait tellement intéressant de vivre l’expérience de la gratuité des transports avec le Luxembourg ! Le sujet aurait pu être intégré à la coopération transfrontalière, pour élargir l’échelle de la gratuité et imaginer comment la France pourrait contribuer à cette expérimentation. Une seule expérience – qu’il faut saluer – a lieu dans la communauté de communes de Cattenom et environs : le transport en commun est désormais gratuit entre Roussy-le-Village, en France, et le Luxembourg.

Pour améliorer le transport dans la région que vous qualifiez de sillon lorrain, qui s’étend de Nancy à Luxembourg en passant par Metz, il pourrait être utile d’imaginer une coopération entre la région Grand Est et le Luxembourg visant la gratuité des transports, dans le cadre d’une politique d’amélioration des transports en commun, telle que la prévoit l’avenant. Rien ne s’y oppose. La région Occitanie, par exemple, a lancé de nombreuses initiatives d’îlots de gratuité : gratuité du transport scolaire dans la région, gratuité partielle du train régional pour les 18-26 ans, et gratuité totale du train pour les moins de 18 ans. Ces initiatives sont donc réalisables à l’échelle de la communauté de communes jusqu’à celle de la région. Je suis persuadé que nous ne pourrons pas nous passer de l’outil de la gratuité pour inciter résolument les usagers à utiliser les transports en commun. Grâce à des structures comme l’Observatoire des villes du transport gratuit, les politiques publiques de ce type sont suivies de près par des chercheurs : ils analysent et scrutent toutes les initiatives, afin de dépassionner le débat et d’accompagner les territoires qui veulent franchir le pas.

Les députés du groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES voteront le présent avenant. Nous soulignons toutefois que la France ne doit pas rater le virage du transport gratuit, et nous restons préoccupés par la prise en charge financière assurée par le Luxembourg. Le Gouvernement devrait travailler sur des compléments – voire sur un autre avenant – afin d’assurer une plus juste répartition financière. (Applaudissements sur les bancs des commissions. – M. Hubert Julien-Laferrière et M. Bruno Fuchs applaudissent également.)

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Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)

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