Interventions

Discussions générales

Accessibilité universelle pour les personnes en situation de handicap

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, en adoptant la loi du 11 février 2005, la France n’a fait que rattraper un retard accumulé depuis des décennies dans le domaine du handicap.
Au-delà de ses manques, la loi du 11 février 2005 dispose que « constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ». Cette définition assez large des obstacles à l’accessibilité aurait dû permettre de répondre à la plupart des problèmes rencontrés dans ce domaine.
Aussi la loi du 11 février 2005 a-t-elle suscité des attentes qui, malheureusement, sont en grande partie restées lettre morte. L’objectif n’était-il pas d’assurer « l’accès à tout pour tous » ? De même, la réglementation devait s’articuler autour de trois éléments : le repérage, l’atteinte et l’usage. Nous sommes, aujourd’hui, très loin du compte et la proposition de résolution que nous vous soumettons a pour objet de donner l’impulsion nécessaire afin de rendre effective la loi du 11 février 2005.
Je tiens à vous rappeler que la notion d’accessibilité est reprise dans la loi dite « Grenelle 1 » comme faisant partie intégrante de la notion de développement durable. Ainsi, dans son article 3, l’accessibilité est classée parmi les objectifs à prendre en compte systématiquement pour satisfaire l’objectif de développement durable. L’accessibilité est donc bien une dimension essentielle des politiques à mener en faveur des personnes en situation de handicap. En effet, l’accessibilité est un préalable qui permet l’autonomie et la participation à la vie sociale des personnes en situation de handicap. L’accessibilité doit répondre aux différentes attentes des personnes concernées afin de supprimer le fossé existant entre les capacités des personnes, leurs besoins et l’environnement dans lequel elles sont amenées à évoluer. Il est donc indispensable que toute personne puisse se déplacer et accéder librement et en toute sécurité à tous les lieux, services et activités. C’est seulement si ces différents éléments sont réunis que nous pourrons atteindre l’objectif d’universalité qui doit conduire la démarche de la représentation nationale et des pouvoirs publics envers les personnes en situation de handicap.
Or la réalité sur le terrain est assez éloignée des principes retenus par les différents textes – lois, décrets, arrêtés... – particulièrement pour ce qui concerne le bâti et les moyens de transport. L’adaptation des établissements recevant du public, des lieux de travail, des logements collectifs n’a pas avancé au rythme fixé par la loi. La mise en conformité de la voirie, des espaces publics – jardins, parkings, trottoirs… – et des transports publics – métro bus train, tram – est loin d’être satisfaite et le délai de dix ans fixé en 2005 ne sera, à l’évidence, pas tenu en 2015 si les pouvoirs publics, madame la secrétaire d’État, ne mènent pas une politique très volontariste. En ce sens, l’annonce d’un renvoi à une date ultérieure qui semble se profiler serait un très mauvais signe qui conduirait immanquablement à une démobilisation de l’ensemble des acteurs, qu’ils soient publics ou privés.
Mme Marie-George Buffet. Très bien !
M. André Chassaigne. Qui plus est, le Gouvernement a déjà tenté à quatre reprises de mettre en place des dérogations aux dispositions législatives et réglementaires. À chaque fois, et j’insiste, madame la secrétaire d’État, le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel et la vigilance du mouvement associatif ont bloqué ces mauvais coups, au moins pour un temps. Il reste qu’une partie de ces dérogations sera toujours possible par voie réglementaire. Les reculs envisagés concernent, notamment, le domaine de l’accessibilité aux locaux de travail et le bâti neuf. Parallèlement, la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales déposée par le sénateur UMP, M. Éric Doligé, prévoit aussi des dérogations tout aussi inquiétantes.
Mme Marie-George Buffet. C’est grave !
M. Christian Hutin. Absolument !
M. André Chassaigne. J’espère que Mme la secrétaire d’État nous donnera des assurances que cette proposition restera lettre morte.
Ce n’est pas parce que l’État n’a pas pris les mesures nécessaires pour mettre en œuvre et faire respecter la loi qu’il faut baisser les bras et chercher par tous les moyens à la contourner par la voie réglementaire. Les conséquences de tels reculs seraient très importantes, en partie parce que, en règle générale, il est admis qu’un bâtiment a une durée moyenne de plus de soixante-dix ans. C’est dire les conséquences à moyen et long terme qu’aurait une remise en cause des dispositions issues de la loi de 2005 ! Tout le travail législatif et réglementaire de ces dernières années serait ébranlé, alors même que notre pays reste largement en retard au regard des besoins existants.
Une étude de l’INSEE relève qu’un peu plus de 10 % de la population sont en situation de handicap et près de 21 % des personnes vivant dans une habitation sans aménagement particulier déclarent rencontrer des difficultés dans les actes de la vie au quotidien du fait d’un handicap passager ou permanent.
L’accessibilité concerne donc une large fraction de la population. Ainsi, on l’oublie souvent, elle bénéficie aux personnes âgées qui peuvent être en situation de handicap. Le nombre de personnes de plus de quatre-vingt-cinq ans n’a cessé d’augmenter pour bientôt atteindre les deux millions et sans doute plus dans les décennies à venir. C’est donc un élément – un élément nouveau – que nous devons prendre en compte.
Les aménagements réalisés comme les rampes d’accès, la sonorisation des véhicules de transport public, l’abaissement des bordures de trottoir sont bien souvent aussi utiles à tous et rappellent aux citoyens que les situations de handicap font partie des réalités de la vie. Nous devons aussi prendre en compte cette dimension, qui va au-delà des seules personnes en situation de handicap. C’est d’autant plus important que, toujours selon l’INSEE, 48 % des personnes interrogées en 2001 déclaraient avoir une ou plusieurs déficiences. La question de l’accessibilité touche donc une grande partie de la population.
La mise en œuvre pour le moins chaotique de la loi du 11 février 2005 nous a donc amenés à vous soumettre cette résolution en forme de piqûre de rappel. L’adopter serait un signal fort à l’adresse des différents niveaux de décideurs, les pouvoirs publics, le Gouvernement et l’État, les collectivités territoriales, et des acteurs privés tout autant, propriétaires immobiliers, promoteurs, chefs d’entreprises.
La mobilisation de tous ces niveaux de décision est indispensable. Notre rôle de parlementaires est de rappeler à la bonne application de la loi et dans les meilleurs délais. Nous vous donnons l’occasion ici de le faire en faveur des personnes en situation de handicap.
J’ai prononcé ces mots à la place de Martine Billard, qui devait être à cette tribune. J’espère avoir respecté ce qu’elle avait écrit parce qu’elle est extrêmement impliquée dans cette démarche. Je tenais à la saluer à la fin de mon intervention. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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