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Budget de l’État

Budget : loi de finances 2011

 
Explication de vote commune
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, rappelez-vous, avant que n’éclate la crise financière internationale dont les Français et les peuples du monde dans leur majorité continuent encore de subir les ravages, l’actuel Président de la République n’avait de cesse de vanter les mérites du modèle économique américain. « Sarko l’Américain », comme certains l’ont appelé, était l’un des publicitaires les plus zélés d’un système ultralibéral qu’il souhaitait à tout prix imposer à la société française. Idolâtre d’un pays dont il ne voyait que la richesse, aussi indécente que décomplexée, d’une petite poignée de privilégiés, le Président Sarkozy allait jusqu’à chanter les louanges des crédits hypothécaires à risques, c’est-à-dire des subprimes, qui sont, comme vous le savez, largement responsables du déclenchement de la nouvelle crise.
Puis arriva, précisément, la crise des crédits hypothécaires, nouvel avatar de la crise capitaliste. Et parce que personne ne pouvait nier qu’il s’agissait d’une crise systémique, que les fondements mêmes du capitalisme financier avaient conduit à l’effondrement d’une partie du système, le Président Sarkozy décréta, lucide, en septembre 2008, à Toulon : « Une certaine idée de la mondialisation s’achève avec la fin d’un capitalisme financier qui avait imposé sa logique à toute l’économie et avait contribué à la pervertir » et qu’il fallait donc « moraliser le capitalisme ».
En 2008, Sarkozy avait promis d’encadrer les rémunérations des dirigeants et des traders « avant la fin de l’année ». (« Monsieur Sarkozy ! » sur les bancs du groupe UMP.) Parce que vous donnez du « Monsieur » aux membres de la bande du Fouquet’s ? (Mêmes mouvements.)
On les appelle par leur nom, c’est déjà leur faire beaucoup d’honneur ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Il avait promis de « sanctionner, au moins financièrement, les responsables ». « L’impunité serait immorale » disait-il. Il avait encore affirmé que les coupables « ne doivent pas recevoir d’actions gratuites ; leur rémunération doit être indexée sur les performances économiques réelles de l’entreprise ; ils ne doivent pas pouvoir prétendre à un parachute doré lorsqu’ils ont commis des fautes ou mis leur entreprise en difficulté ». À la fin de cette année 2010, rien de tel n’a été fait. Au contraire, les banques se sont remises à distribuer des bonus et à jouer au casino de la finance.
Le Gouvernement et sa majorité docile ont, quant à eux, refusé tous nos amendements qui allaient dans cette direction et que Nicolas Sarkozy avait qualifiés de « quelques principes simples qui relèvent du bon sens et de la morale élémentaire ».
Vous le voyez mes chers collègues, il n’y a rien de concret derrière ces discours aussi lénifiants que médiatiques. De façon trompeuse, voire mensongère, vous cherchez à apaiser les inquiétudes des Français en abusant de la confiance qu’une majorité d’entre eux vous avait accordée en 2007. D’un côté, le discours qui rassure ; de l’autre, le business nauséabond qui continue, et les Français qui triment et s’appauvrissent.
Madame la ministre, lorsque la lumière des projecteurs médiatiques est moins dense, vous ne cachez d’ailleurs pas vos intentions réelles. Ainsi, cette loi de finances pour 2011 a pour objet de « poursuivre les réformes structurelles engagées depuis 2007 ». En d’autres termes, après avoir, l’année dernière, commencé à asphyxier financièrement les collectivités territoriales en supprimant la taxe professionnelle, vous leur imposez cette année une véritable cure d’austérité : 30 milliards d’euros en moins. Parallèlement, vous poursuivez la destruction de la fonction publique en supprimant plus de 30 000 postes cette année, ce qui porte à plus de 130 000 le nombre d’emplois détruits dans la fonction publique depuis 2007.
Quant au « grand coup de rabot sur les niches fiscales », tout le monde aura compris que les classes moyennes paieront l’essentiel de la note et que la fiscalité des grandes fortunes ne subira qu’une minime retouche cosmétique.
Cela correspond en effet à l’autre volet de vos « réformes structurelles », celui qui vous est le plus cher, à savoir consolider l’enrichissement des plus riches. Dans ce domaine, et dans ce domaine seulement, le Président Sarkozy tient toutes les promesses qu’il a faites, le soir de son élection, à ses amis de la bande du Fouquet’s. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
 
 

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Jean-Pierre
Brard

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