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Déclaration du gouvernement sur la situation au Proche-Orient, suivie d’un débat

Depuis ce terrible samedi 7 octobre, l’humanité a sombré dans l’horreur et la barbarie du terrorisme avec des actes de torture, des mises en scène que nul ne pouvait imaginer. Ce jour-là, 1 400 Israéliens, des vieillards, des jeunes, des femmes, des femmes enceintes, des enfants, des bébés, ont été délibérément tués, sauvagement assassinés. Les témoignages qui arrivent chaque jour de ce massacre à l’encontre de civils israéliens soulèvent le cœur. Nous pensions le XXIe siècle débarrassé des horreurs du siècle dernier. Hélas, il s’écrit encore avec le sang d’innocents. Hélas, des hommes sont encore capables du pire. L’humanité n’a rien retenu de son passé.

À cette barbarie, le gouvernement d’Israël répond par un déluge de feu, par un blocus total, par une punition collective qui s’abat sur les 2,5 millions de civils gazaouis, sur les écoles, les centres de santé, sur les personnels de l’ONU et des ONG, mais aussi sur les otages retenus, dont nos compatriotes. C’est la démesure dans l’horreur. À la haine du Hamas, organisation islamiste terroriste, répond la haine d’un gouvernement israélien d’extrême droite.

La haine, toujours la haine. Je pense en cet instant avec émotion à la barbarie de la seconde guerre mondiale, à notre histoire nationale, à nos aïeuls qui se sont engagés dans la Résistance contre l’occupant nazi sans jamais s’en prendre à des civils, aux vingt-sept otages de Châteaubriant, fusillés le 22 octobre 1941. Parmi eux se trouvait le jeune Guy Môquet, âgé de 17 ans, à qui nous avons rendu hommage hier après-midi et qui avait écrit : « Vous tous qui restez, soyez dignes de nous, les vingt-sept qui allons mourir ! »

Être digne d’eux et de notre histoire, c’est être présent aujourd’hui pour apporter toute notre solidarité au peuple israélien, meurtri dans sa chair ; c’est être aux côtés des trente familles de nos compatriotes tués ; c’est tout faire pour exiger la libération des otages retenus actuellement à Gaza. Être digne d’eux, c’est aussi avoir les mêmes larmes, la même émotion, la même colère face aux 4 400 civils palestiniens tués – dont 1 800 enfants, des vieillards, des jeunes, des femmes, parfois enceintes, des bébés –, tous morts sous les bombardements aveugles de l’armée israélienne.

Nous ne pouvons pas avoir d’indignation sélective. Notre émotion et notre colère doivent être les mêmes pour chaque enfant qui meurt aujourd’hui en Israël ou en Palestine. Chacun a besoin de sécurité, d’eau, d’électricité, de soins, d’école.

C’est pourquoi nous demandons que la France appelle à un cessez-le-feu immédiat et condamne sans réserve l’opération qui a cours dans la bande de Gaza, où plus de 2 millions de civils palestiniens sont pris au piège avec les otages israéliens, où l’aide humanitaire arrive au compte-gouttes, où des bâtiments civils, comme ceux de l’ONU, sont détruits, ainsi que 20 000 logements, et où vingt-neuf membres des personnels de l’ONU figurent parmi les victimes.

Le droit à la légitime défense du gouvernement d’Israël n’autorise pas les crimes de guerre. Face à ces morts, à ces images insoutenables qui arrivent en France, la haine passe les frontières et s’invite dans notre pays. Les prémices des pires affrontements sont déjà visibles sur notre sol national ; ne les laissons pas s’installer. Nul ne doit être stigmatisé, insulté ou menacé, qu’il soit juif, arabe ou musulman. Le racisme et l’antisémitisme n’ont pas leur place dans notre pays, et les propos faisant l’apologie du terrorisme encore moins.

C’est pourquoi, plus que jamais, les voix de la paix doivent pouvoir s’exprimer. Les rassemblements pacifiques qui s’élèvent contre l’ensemble de ces crimes, qui dénoncent le terrorisme et appellent à la paix, au cessez-le-feu, à la fin du blocus criminel et à l’ouverture de négociations pour qu’enfin un État palestinien puisse voir le jour aux côtés d’un État israélien, ne peuvent être interdits. Chaque parole compte, chaque décision pèse.

Nous avons donc, madame la Première ministre, besoin d’entendre votre gouvernement s’exprimer d’une voix forte en direction des peuples du Proche-Orient, une voix qui condamne le terrorisme mais aussi la vengeance criminelle du gouvernement Netanyahou. Vous avez commencé à le dire aujourd’hui : faire gagner la paix et rejeter la haine, c’est faire respecter le droit et la justice. Par le passé, la France a su prendre toutes ses responsabilités, comme lorsque Jacques Chirac refusa de participer à l’invasion de l’Irak et de s’aligner derrière une opération vengeresse des États-Unis – opération qui a d’ailleurs totalement déstabilisé la région en l’espace de trente ans.

De même, la France doit agir auprès de l’Union européenne afin qu’elle aussi fasse preuve de fermeté et appelle au cessez-le-feu, pour mettre fin à la spirale de la guerre et au blocus criminel contre Gaza. Le chaos n’a jamais été dans l’intérêt des peuples, et condamner une population à vivre dans une prison à ciel ouvert, en subissant un blocus provoquant la misère et la pauvreté, comme c’est le cas depuis seize ans à Gaza, l’est encore moins !

Seize ans de blocus ! N’est-ce pas sur ce terreau que se développent le terrorisme et l’islamisme radical ? N’est-ce pas ce qui a conduit, comme dans un miroir, à l’arrivée au pouvoir, en Israël, des mouvements d’extrême droite les plus racistes et les plus fondamentalistes ?

Oui, la France est certainement responsable d’avoir mis de côté, ces dernières années, la question palestinienne. Notre responsabilité est d’autant plus grande que le risque d’embrasement est là, sous nos yeux. Dans les pays arabes, la colère monte autant contre le siège de Gaza et le massacre de masse des Palestiniens que devant la passivité du monde occidental. Y aurait-il deux poids, deux mesures en matière de violation du droit international ?

Madame la Première ministre, il est temps d’agir, de passer du temps de la seule émotion à celui de la condamnation et de l’action ! Il est temps de demander le respect de ces dizaines de résolutions de l’ONU qui ont été adoptées mais jamais appliquées.

Je pense en particulier à toutes celles qui appellent à la fin de l’occupation, de la colonisation et à une solution à deux États. C’est la position historique de la France, que vous avez rappelée ! Nous vous demandons de franchir un pas en ce sens et de reconnaître l’État de Palestine, comme l’a fait ici même notre assemblée, le 2 décembre 2014, en votant à la majorité la résolution no 439. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES. – Mme Pascale Martin et MM. Karl Olive et Stéphane Vojetta applaudissent également.)

Oui, il faut imposer le respect du droit, mettre fin à des décennies de duplicité et d’amnésie coupable de la communauté internationale sur la question palestinienne. M. Bourlanges l’a dit tout à l’heure : quelle erreur de croire qu’un tel oubli pourrait effacer l’aspiration d’un peuple à vivre libre !

Sur nous tous pèse désormais la responsabilité d’imposer une voie politique, qui, aussi étroite soit-elle, reste la seule possible pour que les peuples israélien et palestinien puissent coexister en paix et en sécurité. À l’heure où nous n’avons jamais été aussi proches d’un conflit généralisé, qui emporterait toute la région en mettant directement aux prises l’Iran, Israël et les États-Unis ; à l’heure où les autorités iraniennes excitent la colère des populations et téléguident des mouvements terroristes contre l’État hébreu et ses alliés, nous demandons que la France, membre du Conseil de sécurité des Nations unies, exprime sa propre voix, en toute indépendance, et appelle à un cessez-le-feu immédiat. Nous demandons qu’elle porte ce flambeau de la paix et renoue avec une politique diplomatique qui respecte tous les peuples de la région, et qu’elle agisse avec fermeté pour empêcher l’embrasement global du Proche et du Moyen-Orient, qui créerait les conditions des pires affrontements.

Madame la Première ministre, les députés communistes et ceux du groupe GDR, qui se sont toujours battus pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, qui dénoncent depuis tant d’années l’occupation subie par le peuple palestinien, et qui réclament depuis toujours une solution à deux États pour ces deux peuples, afin qu’ils puissent vivre en paix, continueront de s’engager en faveur de cette solution, pour la paix entre les peuples israélien et palestinien. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, SOC et Écolo-NUPES. – MM. Jean-Paul Mattei et Frédéric Petit applaudissent également. – Plusieurs députés du groupe GDR-NUPES, continuant d’applaudir, se lèvent.)

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