Interventions

Discussions générales

Violences commises dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité

Judith Godrèche, Christine Angot, Vanessa Springora, Camille Kouchner, Adèle Haenel, Neige Sinno, Andréa Bescond, et d’autres que je ne citerai pas, vous êtes la fierté de la France. Merci à vous et à toutes les femmes qui ont pris la parole. Vos témoignages mettent en lumière l’ampleur des violences sexistes et sexuelles, et contribuent à briser le silence.
Pourtant, encore aujourd’hui, nombre d’agressions sexuelles ou de violences psychologiques et physiques se déroulent dans un silence assourdissant, en particulier lorsqu’elles sont subies pendant l’enfance. La famille reste la sphère de socialisation où se produisent le plus de violences sexuelles : près de 7 % des femmes et 2 % des hommes se sont déclarés victimes de violences sexuelles dans la sphère intra ou parafamiliale.
Mais ces dernières se produisent également dans d’autres sphères : de l’industrie de la mode au spectacle vivant, en passant par le cinéma, de nombreuses professionnelles – comédiennes, mannequins, mais aussi ouvrières ou techniciennes – ont témoigné des violences sexuelles dont elles ont été victimes lorsqu’elles étaient mineures. Alors, comme nous y a récemment invités Judith Godrèche, nous voulons avec elle, et avec tant d’autres, passer du chuchotement à la fanfare.
En 2021, lors d’une audition au Sénat, une dizaine d’ex-mannequins ont accusé des figures de la mode comme Gérald Marie ou Jean-Luc Brunel de les avoir violées dans les années 1980 et 1990 lorsque certaines d’entre elles étaient encore mineures.
Après avoir déposé une plainte pour viols sur mineure contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon, l’actrice et réalisatrice Judith Godrèche a dénoncé l’écrasement de la parole et l’invisibilisation de la souffrance des enfants dans l’industrie du cinéma.
Ces milieux ont en commun le prestige, des relations d’intérêt, l’argent et le pouvoir – cocktail détonnant qui aboutit à une impunité insupportable nourrissant un système de prédation. Relations asymétriques entre réalisateurs et actrices, rapport à l’image, au regard de l’autre et au corps déformé par une contrainte esthétique : les industries culturelles présentent une multiplicité de facteurs de risques de violences sexistes et sexuelles. S’y ajoute la précarité liée au statut – je pense notamment aux techniciennes et aux ouvrières du monde du spectacle.
De surcroît, ces crimes sont souvent à l’origine d’amnésies traumatiques et de troubles psychologiques pérennes qui entravent davantage la libération de la parole des victimes, et la condamnation des responsables.
Ce système de prédation est difficile à dénoncer car la liberté de création est le prétexte des agressions et agissements illégaux de certains artistes. Pourtant, nous l’affirmons, lutter contre les violences n’est pas une atteinte à l’art. Nous sommes résolument contre la domination masculine et ses conséquences dévastatrices sur les corps et pour l’art. Il ne s’agit pas de censure, mais de respect, pas d’une chasse aux sorcières mais d’une quête éperdue de justice et de dignité.
Certes, il existe des dispositifs de protection des mineurs travaillant au sein des industries culturelles. Mais ils sont largement insuffisants, voire inappropriés. C’est par exemple le cas de l’autorisation préalable à l’emploi d’enfants, qui encadre le travail des moins de 16 ans dans l’industrie du cinéma. La demande d’autorisation est examinée par une commission spécialisée, dite des enfants du spectacle, composée notamment d’un représentant de l’éducation nationale, d’un médecin et d’un magistrat. Mais cela ne permet pas de détecter les risques auxquels sont exposés les mineurs une fois le tournage commencé. Ainsi, de nouvelles scènes, non prévues initialement, peuvent être ajoutées au moment de ce tournage.
La présente proposition de résolution est une étape fondamentale qui doit nous permettre d’avancer dans la reconnaissance des victimes d’abus et de violences dans les secteurs culturels et publicitaires, et dans la construction de dispositifs protecteurs pour les mineurs et les professionnels. Nous avons besoin de propositions concrètes et nous pouvons nous appuyer sur celles formulées par la Ciivise, notamment celles du juge Édouard Durand.
Permettez-moi de conclure cette intervention par les mots de Neige Sinno : « Un abus sexuel sur un enfant n’est pas une épreuve, un accident de la vie, c’est une humiliation profonde et systémique qui détruit les fondements mêmes de l’être. » Voilà à quoi nous devons nous attaquer, résolument, et j’espère cette commission pourra y contribuer.
Le groupe GDR-NUPES remercie Francesca Pasquini pour son initiative et votera évidemment cette proposition de résolution.

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