Depuis plusieurs semaines, vous tentez d’imposer un récit selon lequel l’opposition serait responsable du désordre, et du fait que notre pays n’a toujours pas de budget.
C’est oublier rapidement que, main dans la main avec la droite et l’extrême droite, le 12 novembre dernier, le camp présidentiel a décidé de voter contre le texte du PLF issu de nos travaux parlementaires. Pourtant, dans cet hémicycle, avec les autres groupes du Nouveau Front populaire, nous avions réussi à construire une majorité pour amender le projet de loi présenté par le gouvernement Barnier et proposer un budget qui réponde aux besoins et aux attentes du pays.
Nous avions dégagé plus de 75 milliards de recettes nouvelles sans mettre à contribution ni les classes populaires ni les PME, grâce à la taxe de 2 % sur le patrimoine des grandes fortunes, dite taxe Zucman, et à une contribution des entreprises du CAC40, ainsi qu’une augmentation de la taxe sur les transactions financières.
De ces nouvelles recettes, vous n’avez pas voulu, monsieur le premier ministre. À peine nommé, dans la même logique que votre prédécesseur, vous avez refusé que notre assemblée examine un nouveau budget. Pire, vous avez refusé de nous saisir d’une nouvelle lecture, nous privant ainsi de toute discussion sur la partie du PLF relative aux dépenses.
Vous nous aviez promis une nouvelle méthode, des compromis et le respect du débat parlementaire ; on sait désormais ce que valent vos promesses !
Malgré tout, parce que nous avons le sens des responsabilités et que nous ne sommes pas adeptes de la politique de la chaise vide, nous nous sommes rendus à toutes les rencontres proposées pour discuter avec le gouvernement.
Sans naïveté, comme nous l’avons toujours fait, nous avons proposé des mesures sérieuses, chiffrées et plébiscitées par les Français afin de sortir de l’ornière (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS) :…
Mme Christine Arrighi
Mais oui !
…réforme du barème de l’impôt sur le revenu afin de le rendre plus progressif ; rétablissement de l’impôt sur la fortune pour faire contribuer les plus riches ; restitution de sa pleine portée à l’exit tax afin de lutter efficacement contre l’évasion fiscale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Nos propositions portaient également sur l’augmentation du SMIC, la revalorisation du point d’indice des fonctionnaires ou l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages modestes, ainsi que l’abrogation de l’injuste réforme des retraites dite Borne. Mais aucune n’a été retenue.
Dans le même esprit constructif, mercredi dernier, nos groupes de l’Assemblée nationale et du Sénat ont présenté dix mesures d’urgence sociales et fiscales. En complément de celles déjà citées, nous avons plaidé pour la suppression du prélèvement forfaitaire unique, afin d’améliorer la progressivité de l’impôt sur le capital, ainsi que pour l’abrogation de nombreuses niches fiscales coûteuses et illégitimes.
En matière sociale, nous avons proposé le blocage des prix des produits de première nécessité et des loyers.
Nous avons aussi plaidé en faveur de l’indexation de la dotation globale de fonctionnement sur l’inflation afin de garantir la stabilité des ressources des collectivités territoriales, durement touchées par votre quête d’économies. Elles ont pourtant un rôle fondamental en période de crise, surtout au moment où l’État se dédouane de ses responsabilités auprès des plus fragiles. De ces propositions non plus, vous n’avez pas voulu.
À la lecture des conclusions de la CMP, le constat est clair : le compromis que vous avez trouvé, il est entre la droite et la droite…
Ce texte est mauvais pour les Français, plus mauvais même que celui de votre prédécesseur Michel Barnier. Ainsi, les contributions exceptionnelles sur les hauts revenus et sur les grandes entreprises concédées par ce dernier ont été détricotées et leur durée ramenée à un an.
Ce texte fait même l’exploit d’être, par certains aspects, plus mauvais que celui du Sénat : l’extension aux régions du versement mobilité, instaurée par nos homologues, a été réduite, l’impôt sur la fortune improductive supprimé, la taxe sur les billets d’avion augmentée sans aucune assurance de mesure dérogatoire pour les territoires dits d’outre-mer. Dans le même temps, les avantages des ex-présidents et premiers ministres sont rétablis.
Que devons-nous comprendre ? Que toute contribution sérieuse des mieux dotés vous est insupportable. Ce budget incarne parfaitement les huit ans de politique macroniste : casse sociale et cadeaux aux plus riches. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS.)
À l’issue de la CMP, le budget de la mission Santé baisse de 1,2 milliard ; la mission Recherche et enseignement supérieur est amputée de plus de 900 millions ; la mission Écologie, développement et mobilité durables subit 2 milliards de coupes ; la mission Cohésion des territoires, qui finance la politique du logement, est rabotée de plus de 1 milliard ; enfin, à peine les lampions des Jeux olympiques sont-ils éteints que 180 millions disparaissent dans le sport. Tout cela aura des conséquences directes. Les Français les ressentiront durement et nous remercieront de nous être opposés à ce mauvais budget. (M. Emmanuel Duplessis applaudit.)
Mme Christine Arrighi
C’est certain !
Vous vous félicitez de la baisse record du budget de l’État, de 2 %. Mais, en euros constants, ce sont plus de 23 milliards en moins pour nos services publics. Quel triste record …
En définitive, il n’y a ni changement de méthode, ni changement de cap. Contre l’avis d’une majorité de Français, vous persistez à suivre les mêmes fondamentaux, ceux à l’œuvre depuis huit ans. Visiblement la chute du gouvernement Barnier ne vous a pas servi de leçon.
Pourquoi sommes-nous là aujourd’hui ? Parce que vous avez refusé le débat, et le vote, sur un texte pourtant crucial pour nos concitoyens. Nous sommes donc à nouveau obligés de vous rappeler notre opposition en utilisant, encore une fois, le seul outil parlementaire qui nous permet de voter contre ce budget délétère pour la France.
Nous voterons donc cette motion de censure. Vous auriez pu faire un autre choix ; nous ne pouvons en faire un autre. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)