Nous sommes amenés, après l’échec de la commission mixte paritaire, à nous prononcer de nouveau sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019.
S’il s’agit d’un exercice formel, technique, il est malgré tout possible d’en extraire une dimension politique, essentielle et qui prend tout son sens dans la période actuelle.
En nous plaçant sur ce terrain, nous sommes amenés à rejeter ce texte, comme en première lecture. La raison est simple : nous pensons que la politique budgétaire menée depuis deux ans et en particulier en 2019 a été néfaste à notre pays, l’empêchant d’aborder la crise sanitaire actuelle dans de bonnes conditions.
Depuis deux ans et demi, vous n’avez cessé de pressurer l’État, de réduire la portée de son action avec, je le rappelle une nouvelle fois, la baisse de la norme de dépenses pilotables. Tous les services publics y sont passés : école, hôpital, Pôle emploi. Ce sont pourtant sur ces services publics essentiels que nous nous sommes appuyés durant la crise que nous avons traversée, et qui n’est sans doute pas terminée.
Vous avez, par votre action au long cours, notamment par le budget pour 2019, dégradé les capacités de notre pays à faire face à la crise sanitaire et économique actuelle.
Vous avouez aujourd’hui à demi-mot certaines erreurs. Puisque vous découvrez qu’on ne peut pas priver l’hôpital de 1 milliard d’euros chaque année sans le dégrader, vous allez essayer de vous rattraper – même si je doute que cette session de rattrapage soit suffisante.
Vous aviez fait de même avec les mesures d’urgence économique prises après la crise des gilets jaunes, en acceptant de baisser le taux de la contribution sociale généralisée – CSG – des petits retraités, deux ans après l’avoir augmenté.
Finalement, votre action face à la crise se borne à corriger les erreurs précédemment commises par vous. Ainsi, après avoir supprimé les emplois aidés, ou au moins les avoir réduits à la portion congrue, vous les rétablissez – du moins si nous avons bien compris.
Et ce n’est pas le plus grave ! En effet vous n’avez toujours pas pris conscience de nombreuses erreurs – des fautes, devrais-je dire. Même si les gilets jaunes demandaient déjà la justice fiscale et le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune – l’ISF –, vous n’avez rien fait. Encore aujourd’hui, alors que nous savons que la crise nécessitera de nouveaux moyens colossaux dans les mois qui viennent, vous refusez la mise à contribution des plus aisés.
Le coût pour l’État de la suppression de l’ISF, de 6 milliards d’euros actuellement, s’élèvera à 9 ou 10 milliards à la fin de l’année. Dans le même temps, on apprend que le nombre de millionnaires en France a augmenté de 62 000 et que le pays compte désormais 41 milliardaires, soit quatre fois plus qu’après la crise de 2008. À l’autre extrémité, on constate une large augmentation du nombre de pauvres, depuis que cette majorité est au pouvoir.
Pourtant, la politique de l’offre, qui consiste à donner sans condition, sans contrepartie, continuera. Vous maintiendrez les allégements généraux, dont le montant s’élève déjà à 52 milliards d’euros, et poursuivrez la baisse de l’impôt sur les sociétés, planifiée depuis plusieurs années, en y ajoutant la baisse des impôts dits de production.
Aux ménages, en revanche, vous promettez de nouveaux efforts et plus de travail, le tout dans la modération salariale.
Quant aux dividendes, vous vous contentez de formuler le vœu que les entreprises mettent la pédale douce sur leur versement. Je ne suis pas sûr que ça marchera.
Votre politique, encore et toujours, n’est pas équilibrée. Lors des deux premiers budgets de la législature et du budget initial pour 2020, vous avez exploité l’ensemble des marges de manœuvre budgétaire au profit des plus aisés et des entreprises, au détriment des ménages et des services publics. Avec vous, il faudrait toujours baisser les impôts, toujours diminuer les cotisations. Je ne comprends pas ce raisonnement.
Ce budget pour 2019, nous l’avions ardemment combattu en 2018. Aujourd’hui, en 2020, à la fin d’une crise sanitaire et au début d’une crise économique particulièrement violentes, vous en conviendrez, nous souhaitons rappeler notre opposition à la politique budgétaire néfaste qui nous a conduits dans le mur. Nous voterons donc contre ce projet de loi de règlement, comme je l’ai indiqué tout à l’heure. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)