Réformer notre système démocratique est une nécessité, tant nous constatons chaque jour l’essoufflement de nos institutions. Les citoyennes et les citoyens ont de moins en moins confiance en la parole politique ; les lieux de concertation sont sous-utilisés, les corps intermédiaires, trop souvent, et à tort, vilipendés et affaiblis. Ce n’est pas une crise de l’engagement citoyen : celui-ci existe au quotidien, la période de crise que nous traversons en témoigne. Ce n’est pas non plus le fait d’un désintérêt pour les affaires de la cité, ou d’un repli sur soi, au détriment de l’intérêt général ; mais l’absence de lieu propice à une démocratie active et délibérative freine le dialogue entre les citoyens et avec leurs représentants, et par conséquent affaiblit la légitimité du projet politique et de la prise de décision. Le CESE est en ce sens une institution que je crois utile ; elle peut effectivement être réformée, mais son importance ne tient pas seulement à sa structure même.
Oui, nous pouvons réformer le CESE, mais si nous restons partout dans cette verticalité du pouvoir inhérente à la Ve République, nous n’atteindrons pas l’objectif fixé. Regardez la place du Parlement : elle est loin d’être satisfaisante ; les représentants de la nation, élus par le suffrage universel, n’ont que très peu l’initiative des lois, et par toute une série de mécanismes, nos votes peuvent être contournés – seconde délibération, vote bloqué, vote réservé. Plus les législatures passent et moins le discours politique, pourtant vecteur d’éducation populaire et d’action, a sa place dans la vie publique. Finalement, seul l’exécutif ne perd jamais son pouvoir. Aussi, vouloir redonner toute sa place à l’initiative citoyenne, sans réformer nos institutions, s’avère une vaine tentative. Avec ce projet de loi organique, le Gouvernement propose d’effectuer quelques ajustements au fonctionnement du CESE. Certains sont positifs, comme l’abaissement du seuil de pétitions à 150 000 signatures, ainsi que celui de l’âge requis à 16 ans – ce qui ne relève pas du jeunisme, comme j’ai pu l’entendre lors des débats au Sénat. D’autres le sont potentiellement, à condition d’être correctement encadrés, comme le tirage au sort.
Cependant, je suis opposée à la diminution du nombre des membres, qui n’apporte rien, si ce n’est de réduire la représentativité. Je m’inquiète de la réforme de l’article 7 de l’ordonnance de 1958, qui allège considérablement les obligations en matière de représentativité des différents champs de la société. Nous vous avions alertés en première lecture, à raison, sur la représentation des outre-mer. Votre amendement, monsieur le ministre, va dans le bon sens.
J’appelle également votre attention sur le collège représentant les jeunes dans leur diversité. Les travaux que je mène avec notre collègue Sandrine Mörch, dans le cadre de la commission d’enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse, ont montré de graves carences dans l’écoute et la prise en considération de leur parole. Si nous ne garantissons pas leur présence dans le CESE, nous ne ferons qu’amplifier le phénomène. Nous avons d’ailleurs reçu un représentant du collège des jeunes du CESE, qui nous a fait part du nombre important de travaux menés, témoignant de l’efficacité de leur représentation. Enfin, je vous mets en garde quant aux conséquences de l’article 6, qui vise à se passer de la consultation, pourtant prévue par la loi, d’un certain nombre de structures, dès que le CESE est saisi ; cela m’apparaît dangereux, car très flou. Je partage donc la volonté du Conseil d’État de voir cet article disparaître.
Les travaux du CESE manquent de valorisation, c’est vrai. Mais les raisons ne tiennent pas qu’à son fonctionnement. Il nous appartient à nous, qui sommes finalement celles et ceux qui votons les lois, de prendre en considération leurs travaux. Dans ma réflexion sur le sport, j’ai pris appui sur des rapports du CESE – je pense particulièrement à celui de Muriel Hurtis et Françoise Sauvageot. A contrario, je n’ai pas pu m’emparer pleinement de l’avis du CESE sur le projet de loi de programmation de la recherche car il est arrivé, hélas, pendant l’examen de celle-ci. Ce rapport était d’ailleurs unanime contre le texte – l’exécutif ne lui a pas accordé une seconde d’attention. Avec 25 % de membres en moins ou la pétition numérique, je ne pense pas que l’avenir de ce rapport aurait été différent.
Toute réforme du CESE n’aura donc qu’une incidence marginale si nous continuons avec le même système institutionnel. Rendre du pouvoir au Parlement, renforcer les communes, lieux par excellence de l’exercice de la citoyenneté, et multiplier les lieux d’écoute et d’échange, voilà qui serait favorable à la démocratie. Le soutien au monde associatif est également indispensable, car il représente bien souvent la porte d’entrée dans l’engagement. Cette chambre de l’avenir ne pourra exister qu’au sein d’une nouvelle république. Aussi, conformément à son ambition de la voir advenir, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine s’abstiendra sur ce texte.